Un ex-conseiller à la sécurité nationale était conscient des failles dans l’appareil

David Fraser, La Presse Canadienne
Un ex-conseiller à la sécurité nationale était conscient des failles dans l’appareil

OTTAWA — Un ancien conseiller à la sécurité nationale du premier ministre Justin Trudeau a déclaré jeudi qu’une note du SCRS qui prévenait que le député conservateur Michael Chong pouvait être ciblé par Pékin avait été rédigée après son départ. 

Mais Vincent Rigby a admis qu’il était conscient à l’époque des problèmes de traitement des renseignements de sécurité dans l’appareil gouvernemental.

M. Rigby, qui a été conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre en 2020 et 2021, continue de réclamer un examen en profondeur du système de sécurité nationale, afin de répondre aux préoccupations persistantes concernant la manière dont les autorités traitent l’ingérence étrangère.

Il a fait ces commentaires devant un comité des Communes qui enquête sur les allégations selon lesquelles des députés fédéraux auraient été la cible d’une ingérence étrangère.

M. Rigby témoignait plus de deux semaines après la publication du rapport préliminaire du «rapporteur spécial» David Johnston, qui soulignait de sérieuses lacunes dans la façon dont le gouvernement traite les informations confidentielles.

L’ancien ministre de la Sécurité publique Bill Blair, aujourd’hui ministre de la Protection civile, a blâmé la semaine dernière le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pour le fait qu’il n’ait pas reçu la note secrète de juillet 2021 concernant le député Chong. «Le directeur [du SCRS] a déterminé qu’il ne s’agissait pas d’informations que le ministre avait besoin de connaître», a soutenu M. Blair.

David Vigneault, directeur du SCRS, doit comparaître mardi prochain devant le même Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Une courroie «faible»

M. Rigby a soutenu jeudi que pendant son mandat au cabinet du premier ministre, il était effectivement préoccupé par la façon dont les renseignements suivaient leur cours dans l’appareil. Mais il a indiqué au comité qu’il ne pouvait pas parler spécifiquement de ce qui s’était passé au cabinet du ministre Blair ou du sort de la note de service du SCRS sur le député Chong.

«Le rapport de juillet 2021 et le ciblage de M. Chong et d’autres députés ont été produits et distribués après mon départ, a-t-il dit. Mais je ne suis pas surpris que ces renseignements n’aient pas été portés au niveau politique. C’est là que le système est particulièrement faible.»

L’actuelle conseillère à la sécurité nationale auprès du premier ministre, Jody Thomas, a déclaré la semaine dernière à ce même comité que la note de service avait été transmise à son prédécesseur par intérim, David Morrison, en août 2021. 

M. Morrison est aujourd’hui sous-ministre d’Affaires mondiales Canada. Une déclaration écrite de ce ministère précise qu’il a été en congé de maladie entre la mi-juillet et le début du mois d’août 2021.

«M. Morrison ne se souvient pas d’avoir reçu des documents écrits concernant des menaces contre des députés pendant son mandat de [conseiller à la sécurité nationale et au renseignement]. Il ne se souvient pas non plus d’informations orales ou de discussions sur cette question.»

Le Bureau du Conseil privé a précisé que c’est Mike MacDonald, actuellement secrétaire adjoint du cabinet pour la sécurité et le renseignement, qui avait temporairement remplacé M. Morrison pendant son congé de maladie, entre le 16 juillet et le 3 août 2021.

«Alors que le bureau du [conseiller à la sécurité nationale et au renseignement] reçoit régulièrement des renseignements et des informations de partenaires de sécurité, M. MacDonald ne se souvient pas avoir vu de matériel concernant des menaces contre des députés pendant cette période», écrit le Bureau du Conseil privé. «En conséquence, aucun document décrivant de telles menaces n’a été communiqué au [cabinet du premier ministre].»

M. Morrison devrait également comparaître devant le comité la semaine prochaine.

La fameuse note du SCRS 

Le rapport préliminaire de M. Johnston a révélé que le SCRS était au courant d’indications que des responsables chinois envisageaient d’agir contre des députés canadiens, mais le rapporteur n’a pas identifié de négligence dans les plus hautes instances politiques.

Son rapport indique que les renseignements sur les responsables chinois à la recherche d’informations sur le député Chong n’ont atteint le premier ministre, le ministre de la Sécurité publique ou M. Chong lui-même qu’après avoir été divulgués par les médias.

Le rapport Johnston a également confirmé que le SCRS avait envoyé des informations sur le ciblage de M. Chong au ministre Blair et à son chef de cabinet, via une plateforme de messagerie électronique ultrasecrète, mais qu’ils ne les avaient jamais reçues. La fonction publique a expliqué à M. Johnston qu’ils n’avaient pas accès au bon système, selon le rapport.

M. Blair a déclaré au comité que lorsque le SCRS voulait partager des informations avec lui, il était amené dans un établissement sécurisé et informé via des documents imprimés.

M. Rigby a déclaré qu’il ne pouvait pas parler des détails spécifiques du témoignage de M. Blair et du rapport Johnston. «Je ne sais pas comment le ministre Blair organisait son bureau», a-t-il indiqué jeudi.

«Honnêtement, je ne peux pas parler des détails parce que je ne suis pas au courant. Ce serait une question que vous devriez poser au directeur du SCRS ou à quelqu’un du cabinet du ministre.»

M. Rigby a par ailleurs déclaré que pendant son mandat, le premier ministre Trudeau recevait un breffage hebdomadaire sur le renseignement, qui résumait les rapports quotidiens préparés par le Bureau du Conseil privé.

Lors de sa propre comparution devant le comité, mardi, M. Johnston a déclaré que les tentatives d’ingérence étrangère augmentaient au Canada et que la capacité d’adaptation du gouvernement ne suivait pas ce rythme.

L’ex-gouverneur général devrait tenir des audiences publiques à partir du mois prochain en vue d’un rapport final à la fin octobre.

La semaine dernière, la Chambre des communes a adopté une motion non contraignante demandant à M. Johnston de se retirer, en partie en raison de la perception qu’il est biaisé parce qu’il était devenu ami avec le père du premier ministre, Pierre Elliott Trudeau.

La motion demandait également au gouvernement d’ouvrir une enquête publique sur l’ingérence étrangère, après que M. Johnston a recommandé d’écarter cette idée, puisque la plupart des informations que le gouvernement détient sur les ingérences étrangères présumées doivent rester secrètes.

Les partis d’opposition ne contestent toutefois pas pour autant les résultats des élections fédérales de 2019 et 2021.

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