SAAQclic: Konrad Sioui a demandé au C.A. de faire preuve de réserve avant l’élection

Caroline Plante, La Presse Canadienne
SAAQclic: Konrad Sioui a demandé au C.A. de faire preuve de réserve avant l’élection

QUÉBEC — L’ex-président du C.A. de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) Konrad Sioui a demandé en 2022 à ses collègues de faire preuve de discrétion «dans un contexte d’élections générales».

C’est ce qu’on peut lire dans le procès-verbal du C.A. du 15 septembre 2022, qui a été déposé en preuve à la commission Gallant chargée d’enquêter sur le fiasco SAAQclic.

Sous l’onglet «Élections 2022», M. Sioui souligne «l’importance de faire preuve de réserve, de prudence et de discrétion lors de manifestations publiques ainsi que dans les médias sociaux».

À cette époque, le C.A. est au courant que les budgets explosent, «notamment en raison de la hausse de la rémunération due aux besoins pour la transformation (numérique)».

Le procès-verbal fait état d’une situation déficitaire à la SAAQ: la vice-présidente aux finances, Francine Lépinay «souligne que les instances gouvernementales concernées ont été informées de la situation».

Le virage numérique raté de la SAAQ a provoqué en 2023 des files monstres devant les succursales. Il coûtera au bas mot 1,1 milliard $ d’ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le Vérificateur général (VG).

Les membres du gouvernement Legault ont toujours affirmé avoir été tenus dans le noir au sujet de l’ampleur des dépassements de coûts du projet.

Jeudi, le libéral Monsef Derraji s’est réjoui de pouvoir consulter le procès-verbal décaviardé. «Qu’on arrête de nous dire que le gouvernement ne savait pas, depuis 2022, que le budget de SAAQclic avait explosé!», a-t-il réagi sur X.

En mars dernier, en entrevue à La Presse Canadienne, M. Derraji avait dit soupçonner le C.A. de M. Sioui d’avoir fait de l’«ingérence politique» afin de protéger le gouvernement caquiste.

Il référait à un passage du rapport du VG concernant un contrat additionnel de 222 millions $ qui a été morcelé, en pleine campagne électorale, en raison d’un «risque politique et médiatique élevé».

«Ils ont tout fait pour que ça ne sorte pas pendant la campagne électorale», avait déclaré M. Derraji.

Sioui incapable d’obtenir une rencontre avec Guilbault

Par ailleurs, jeudi, Louise Champoux-Paillé, qui siège au C.A. de la SAAQ depuis 2014, a révélé que M. Sioui se plaignait de ne pas être capable de rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

«M. Sioui nous exprimait souvent sa déception de ne pas avoir rencontré la ministre à ce moment-là. Pour lui, c’était important de pouvoir échanger sur les préoccupations du C.A.», a-t-elle affirmé.

«Il exprimait souvent sa déception et la raison, c’était que l’agenda était trop occupé», a-t-elle ajouté.

Alors que les problèmes s’accumulaient, trois membres du C.A. ont témoigné jeudi qu’ils faisaient entièrement «confiance» au vice-président des technologies de l’information, Karl Malenfant.

«Un acte de foi», a résumé le commissaire Denis Gallant.

«M. Malenfant, c’est un champion», a déclaré André Caron, qui a siégé au C.A. de 2009 à 2019. Le procureur lui a alors soumis, preuve à l’appui, que la SAAQ avait sous-estimé le projet d’au moins 800 000 heures.

C’est lors d’une réunion du C.A. en mars 2019 que M. Malenfant mentionne la bévue. M. Caron se souvient-il de cet événement? «Je n’ai pas souvenir», a simplement répondu l’ex-administrateur.

«Il faut faire confiance», a-t-il répété plusieurs fois tout au long de son témoignage.

Corinne Charette, membre du C.A. de la SAAQ depuis 2018, a quant à elle admis avoir vu chez M. Malenfant «un appétit de risque plus élevé». «Il voulait à tout prix livrer», a-t-elle affirmé.

Elle a cependant «beaucoup d’admiration» pour M. Malenfant, qui «maîtrisait son dossier», selon elle.

Levée du serment de confidentialité des ministres

Jeudi après-midi, le procureur en chef de la commission, Me Simon Tremblay, a annoncé que le gouvernement Legault avait adopté un décret levant le serment de confidentialité de certains ministres.

En d’autres mots, un ministre appelé à témoigner à la commission ne pourra pas évoquer ce serment pour éviter de répondre à une question des procureurs, de peur de divulguer des renseignements confidentiels.

Sont relevés de leur serment: le premier ministre, les ministres des Transports, des Finances et du Numérique, la présidente du Conseil du trésor, ainsi que tous les anciens titulaires de ces postes, a énuméré Me Tremblay.

Le décret adopté mercredi lève aussi le serment de confidentialité du secrétaire général et greffier du Conseil exécutif, ainsi que du secrétaire du Conseil du trésor.

Il a nécessité l’aval des anciens premiers ministres Philippe Couillard et Pauline Marois, puisque la commission examine la période 2012-2025.

«Je remercie le gouvernement du Québec (…) pour sa célérité. Ça va nous permettre de continuer d’avancer dans notre enquête», a déclaré Me Tremblay.

La levée du serment de confidentialité avait également été autorisée en 2010 lors de la commission Bastarache, qui était chargée d’enquêter sur le processus de nomination des juges au Québec.

Les travaux de la commission Gallant se poursuivront vendredi.

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