Référendum: le DGE ne peut tout divulguer; le PQ l’accuse de faire de la politique

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Référendum: le DGE ne peut tout divulguer; le PQ l’accuse de faire de la politique

QUÉBEC — Les révélations de l’enquête sur le financement illégal du camp du Non au référendum sur la souveraineté de 1995 resteront en partie secrètes, a indiqué mardi le Directeur général des élections (DGE), qui est accusé de faire de la politique par le Parti québécois.   

Jean-François Blanchet a fait savoir qu’il ne pourra tout divulguer les témoignages et documents recueillis par la commission Grenier sur cet enjeu en 2007.  

Le Parti québécois (PQ) lui a reproché de faire fi de la volonté des élus et s’est engagé à déposer un projet de loi pour forcer Élections Québec à tout révéler au grand jour.   

Dans une lettre adressée à la présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, M. Blanchet a répondu à la motion unanime du Parlement, pilotée par le PQ et adoptée il y a deux semaines, qui demandait de rendre publique toute la preuve de la commission, frappée par une ordonnance de non-publication.

Le DGE a indiqué qu’il lui faudra un certain temps pour éplucher les documents et pour aller plus vite, il suggère l’adoption d’une loi ou d’un ordre de l’Assemblée.  

«Considérant l’ampleur et la nature de la documentation concernée, un tel exercice prendra un  certain temps et ne permettra vraisemblablement pas une divulgation complète de l’ensemble des  témoignages et documents visés», a écrit M. Blanchet dans sa correspondance. 

Rappelons que le 30 octobre 1995, le Non à la souveraineté l’a emporté par une courte marge, 50,58 % contre 49,42 % pour le camp du Oui.

Les souverainistes ont souvent accusé leurs adversaires fédéralistes d’avoir triché durant la campagne référendaire en ne respectant pas le plafond de financement attribué aux deux camps en vertu de la loi québécoise.

Selon le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, la population doit connaître la vérité sur ce qui s’est passé au cours de ce référendum.

M. Blanchet a expliqué qu’il doit à la fois tenir compte du droit du public à l’information, mais aussi de «la protection des renseignements personnels compte tenu du caractère préjudiciable que pourraient encore comporter certains documents», peut-on lire dans sa lettre. 

«Le directeur général des élections semble faire fi de la directive unanime qui parlait de tous les documents et tous les témoignages à être divulgués dès maintenant», a commenté M. St-Pierre Plamondon en mêlée de presse mardi. 

«On est à mon avis devant un directeur général des élections qui fait passer son opinion et son pouvoir discrétionnaire avant la volonté très claire de tous les élus de l’Assemblée nationale. (…) Si vous me demandez est-ce que c’est politique? Définitivement, c’est politique.»

Le DGE est pourtant une institution neutre qui répond de l’Assemblée nationale.  

Le chef péquiste entend déposer rapidement un projet de loi et déplore que la Coalition avenir Québec, qu’il avait approchée à l’origine pour ce faire, n’ait pas jugé bon de procéder ainsi pour forcer la main d’Élections Québec. 

«Une loi, c’est obligatoire. On ne peut pas contourner une loi. (…) Nous ne laisserons pas à la discrétion du DGE le choix des documents qui seront rendus publics ou pas. La loi sera courte, claire et elle l’obligera à une pleine divulgation de tous les documents et tous les témoignages.»

Un parti d’opposition peut tout à fait déposer un projet de loi, mais le leader du gouvernement, qui contrôle l’agenda législatif, n’est pas tenu d’«appeler» la pièce législative pour étude et adoption. 

Rappelons que c’est la commission présidée par Bernard Grenier qui avait été chargée d’enquêter sur les allégations de financement illégal du camp du Non. La commission avait déposé un rapport en 2007.    

Pas moins de 90 témoins avaient été entendus à huis clos et 4500 documents déposés en preuve. Mais le tout est frappé d’une «ordonnance relative à la non-divulgation, la non-communication et la non-diffusion de la preuve», sans limite de temps, rendue par le commissaire Grenier.

Bernard Grenier avait justifié son ordonnance en disant qu’il était «sensible à la mise en garde exprimée par certains quant au risque de porter atteinte après 11 ou 12 ans à la réputation de personnes qui ont œuvré pour la cause du Non en toute bonne foi».

Il avait aussi affirmé qu’il voyait mal comment il pouvait rendre accessibles les documents à l’époque: «Les préjudices et les injustices qu’on aurait voulu éviter en procédant à huis clos seraient ainsi causés.»

M. St-Pierre Plamondon estime que le commissaire Grenier a aussi fait de la politique en émettant son ordonnance. 

«La commission Grenier a toujours été politique, là. Pourquoi, dans un premier temps, est-ce qu’on avait une ordonnance pour l’éternité visant à enterrer pour toujours tous les documents et tous les témoignages, là? Convenons que nous sommes en politique, c’est de la politique.»

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