Racisme et failles systémiques: fin des audiences sur le vétéran Lionel Desmond

La Presse Canadienne
Racisme et failles systémiques: fin des audiences sur le vétéran Lionel Desmond

PORT HAWKESBURY, N.-É. — Le racisme et des failles systémiques sont en partie responsables de la série d’événements tragiques qui a mené l’ancien combattant de la guerre d’Afghanistan Lionel Desmond à tuer trois membres de sa famille avant de se suicider, en Nouvelle-Écosse, a-t-on entendu mercredi à la conclusion des audiences publiques de la commission d’enquête sur ce drame.

La commission a entendu 69 témoins au cours de 55 jours d’audiences qui avaient commencé en janvier 2020, mais qui ont été suspendus quelques mois plus tard, et pendant près d’un an, à cause de la pandémie de COVID-19.

Lionel Desmond, un fantassin, avait été déployé en Afghanistan en 2007; quatre ans plus tard, en 2011, on lui a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique.

La commission d’enquête a appris que malgré quatre ans de traitement, pendant qu’il était dans l’armée, M. Desmond avait toujours besoin d’aide lorsqu’il a été libéré pour des raisons médicales en 2015. Il a ensuite participé à un programme de traitement intensif dans une clinique à Montréal en 2016.

L’avocate Tara Miller a soutenu devant la commission que tous ces décès étaient évitables.

«Ces morts ont été le résultat tragique des failles de nombreux fournisseurs de services et d’institutions à partager des informations pertinentes ou à agir de manière efficace ou tout court», a déclaré la juriste qui représente la sœur de M. Desmond, Chantel.

Me Miller a ajouté que ces mêmes institutions avaient échoué à fournir des traitements de manière «culturellement adaptée» à M. Desmond ainsi qu’à identifier et à réagir à des indices de violence conjugale.

Des avocats représentant des membres de la famille ont expliqué à la commission mercredi comment Lionel Desmond avait été confronté au racisme et à des défaillances systémiques alors qu’il tentait de se réintégrer dans sa famille tout en faisant face à un trouble de stress post-traumatique complexe, à une dépression majeure et à une éventuelle lésion cérébrale.

Au moment où M. Desmond quittait les Forces, en 2015, il était évident pour tous ceux qui lui fournissaient des services qu’il avait besoin de l’aide d’un gestionnaire de dossiers pour l’aider à naviguer dans le système provincial de santé. Néanmoins, Anciens Combattants Canada a mis six mois à lui en désigner un.

De plus, Me Miller a noté le fait que les professionnels de la santé du système public provincial étaient «significativement restreints» dans leur capacité d’intervention parce qu’ils n’avaient pas accès au dossier médical fédéral de leur patient et à toutes les informations cruciales sur la complexité de l’état mental de M. Desmond.

«Sans ces dossiers, aucun des spécialistes de la santé de la Nouvelle-Écosse n’était en position de réussir en traitant le caporal Desmond», a résumé l’avocate.

L’ancien fantassin a rencontré d’autres obstacles en août 2016 à sa sortie d’un internement à l’Hôpital Sainte-Anne, à Montréal. Un rapport sur sa condition décrit un homme gravement malade, mais omet d’importantes informations sur son état mental et les facteurs de risque de violence conjugale, a soutenu Me Miller.

Plus grave encore, ce rapport n’a jamais été transmis aux spécialistes en Nouvelle-Écosse, a insisté l’avocate.

Bien qu’il soit vrai que le partage d’informations médicales est protégé par la loi sur la confidentialité, Me Miller rappelle que la loi oblige les institutions de santé à rendre les documents disponibles sur demande pour tous les soignants autour du patient. Ce qui n’a pas été fait dans le cas de Lionel Desmond.

Racisme dans le système de santé

Par ailleurs, Me Miller a soumis des preuves rassemblées par l’Association de santé des Afro-Canadiens selon lesquelles les Afro-Néo-Écossais comme M. Desmond ont beaucoup de mal à obtenir des soins en santé mentale en raison du racisme systémique dans le système de santé.

Un défenseur de la communauté afro-néo-écossaise, Rubin Coward, a témoigné devant la commission en disant que M. Desmond avait subi du racisme dans les Forces armées canadiennes et que le racisme l’avait privé de soins optimaux.

«Le stress post-traumatique n’est pas seulement causé par la guerre. Le racisme est une guerre que (les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur) mènent», a déclaré M. Coward, qui a lui-même subi du racisme dans l’Aviation royale canadienne au début des années 1990 avant de recevoir un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique.

L’enquête a permis d’apprendre que le 3 janvier 2017, M. Desmond a acheté légalement un fusil semi-automatique et l’a utilisé plus tard dans la journée pour tuer sa femme Shanna, âgée de 31 ans, leur fille Aaliyah, âgée de 10 ans, et sa mère Brenda, âgée de 52 ans.

Le juge de la cour provinciale Warren Zimmer, qui préside la commission d’enquête, devrait remettre plus tard cette année son rapport final avec ses conclusions et ses recommandations.

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