MONTRÉAL — Les pompiers forestiers qui combattent les incendies qui brûlent à travers le pays sont fortement exposés à une fumée qui ressemble de très près à la fumée des cigarettes, avec tout ce que cela comporte de risques pour leur santé, prévient un expert.
D’ailleurs, en juin 2022, l’International Agency for Research on Cancer a annoncé que l’exposition professionnelle des pompiers urbains et forestiers était dorénavant considérée cancérigène pour les humains.
Une étude publiée en 2019 calculait que, sur une période de 25 ans, un pompier forestier qui travaillait de longues saisons augmentait son risque de cancer du poumon de 43 % et de maladie cardiovasculaire de 30 %. Une autre étude, qui détaillait celle-là sur les problèmes de santé rapportés par les pompiers forestiers, témoignait d’un risque accru d’hypertension et d’arythmie.
«Il y a une analogie qu’on peut faire entre (la fumée des feux de forêt et la fumée des cigarettes), même si ce n’est pas exactement la même chose», a résumé le docteur Alain Desjardins, qui est pneumologue à L’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal.
À part des substances comme la nicotine, poursuit-il, «tous les produits qu’on aurait dans une cigarette, on les a lorsqu’on brûle des arbres».
Il est ainsi bien documenté que la fumée des feux de forêt est composée de plusieurs polluants individuels, comme des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des composés organiques volatils (comme l’acroléine, le benzène et le formaldéhyde), le monoxyde de carbone, le dioxyde d’azote, les particules ultra-fines PM2.5 et autres.
Les particules PM2.5 sont si infimes qu’elles peuvent se loger au plus profond des poumons, entrer dans la circulation et causer différents problèmes de santé chroniques.
«Ce sont des produits extrêmement toxiques et même pour plusieurs cancérigènes, a souligné le docteur Desjardins. Mais à court terme, l’aspect cancérigène n’est pas très important. C’est plus l’effet irritant et pro-inflammatoire.»
Une exposition à la fumée des feux de forêt représente donc des risques à court, moyen et long terme pour la santé des pompiers forestiers, allant des crises d’asthme et d’une irritation des yeux jusqu’à une maladie pulmonaire et à un cancer du poumon. Les substances que contient la fumée pourront aussi interférer avec le bon fonctionnement du système immunitaire, rehaussant le risque d’infections.
Pourtant, pour différentes raisons pratiques ― comme la durée de leur présence sur le terrain, les distances qu’ils doivent parcourir à pied et le poids de l’équipement qu’ils doivent emporter ―, les pompiers forestiers n’utilisent souvent pas les mêmes équipements de protection respiratoire que les pompiers urbains. Tout au plus porteront-ils un masque (un N95 ou un masque à cartouches) ou une cagoule de coton, une protection fréquemment insuffisante face aux substances et aux particules qui tourbillonnent autour d’eux.
«Les pompiers réguliers ont habituellement des appareils de protection respiratoire autonomes qui les protègent et qui leur amènent un apport d’air frais régulier, a dit Elena Laroche, une professeure de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval qui s’intéresse notamment à la prévention du risque chez les pompiers.
«Chez les pompiers forestiers, ce type d’appareil-là, des appareils respiratoires qui ont une durée limitée, ne peuvent pas ou à peu près pas être utilisés dans le combat forestier, donc souvent ils vont se rabattre vers des moyens alternatifs.»
À part savoir que les pompiers forestiers sont exposés à des substances nocives, poursuit-elle, on manque de données scientifiques pour prendre la pleine mesure de la situation. On ne sait pas, par exemple, quelle durée d’exposition pourrait être jugée sécuritaire.
La situation se complique quand les flammes attaquent des structures, comme des chalets. Les pompiers forestiers seront alors confrontés non seulement aux substances dégagées par la combustion de la végétation, mais aussi à celles qui résultent de la combustion de produits comme la colle ou même l’amiante.
Les risques pour la santé pourront persister lors des opérations de nettoyage ou d’inspection, quand les pompiers pourront baisser la garde et prendre moins de précautions en ayant l’impression que le danger est passé.
«On sait que c’est nocif pour leur santé, et là ce qu’il faut faire, c’est de trouver les meilleures méthodes pour pouvoir prévenir les risques pour leur santé», a conclu Mme Laroche.
La Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) recensait mercredi quelque 150 incendies en activité au Québec, dont une vaste majorité qui brûle hors de contrôle. Ce sont près de 460 000 hectares (4600 kilomètres carrés) qui ont été détruits par les flammes jusqu’à présent, comparativement à une moyenne des dix dernières années de seulement 795 hectares à cette date.