L’ex-missionnaire Dejaeger plaide coupable d’autres agressions sexuelles au Nunavut

La Presse Canadienne
L’ex-missionnaire Dejaeger plaide coupable d’autres agressions sexuelles au Nunavut

IQALUIT — Les agressions sexuelles commises par un prêtre catholique sur des enfants inuits il y a plusieurs décennies à Igloulik, au Nunavut, ont transformé un hameau autrefois chaleureux et paisible en un lieu marqué par la colère et la toxicomanie, ont témoigné des victimes au tribunal jeudi.

Des gémissements et des cris ont fusé dans la salle d’audience d’Iqaluit où l’ancien missionnaire oblat Éric Dejaeger a plaidé coupable d’«attentat à la pudeur» contre six filles et un garçon entre 1978 et 1982. Il avait déjà été reconnu coupable de dizaines de crimes à caractère sexuel contre des enfants et certains adultes.

Le chef d’accusation d’«attentat à la pudeur» était inscrit dans le Code criminel canadien jusqu’en 1983 pour qualifier un type d’agression sexuelle.

Une femme, dont les proches ont été agressés par Dejaeger et qui était présente au tribunal jeudi pour offrir son soutien, a lu une déclaration de la victime décrivant les dommages causés à cette communauté tissée serrée.

«J’ai grandi à Igloulik, dans un environnement magnifique (où) tout le monde se connaît, se salue avec des sourires et des rires. Il y avait beaucoup de respect les uns pour les autres dans cette communauté», a-t-elle raconté jeudi.

«Mais aujourd’hui, cet environnement a disparu (…) La communauté autrefois heureuse est maintenant remplie de colère, de manque de respect, d’abus et de maladie mentale.» Elle a qualifié Dejaeger de «monstre malade».

«Je ne vais pas vous dire de pourrir en enfer, mais j’espère qu’ils vous jetteront dans une petite pièce avec des chiens husky vicieux et qu’ils vous dépèceront vivant.»

Des victimes de quatre ans seulement

La procureure Emma Baasch a décrit chacune des agressions avec des détails explicites devant la Cour de justice du Nunavut. Elle a parlé d’actes sexuels horribles: des enfants n’avaient que quatre ans lorsque les agressions ont commencé, a-t-elle dit. Une plaignante a raconté qu’elle s’était évanouie tellement elle avait eu mal.

Dans certains cas, tout commençait lorsque le père oblat offrait des bonbons aux enfants. Le tribunal a appris que Dejaeger avait donné une image pieuse à une fillette pour qu’elle la colorie avant de la prendre sur ses genoux et de l’agresser. L’image représentait Jésus offrant une fleur.

Au sujet d’une victime, «M. Dejaeger lui a dit qu’elle irait en enfer si elle disait quoi que ce soit», a plaidé la procureure. Dejaeger avait aussi dit à une autre fille «que Jésus la renierait» si elle racontait ce qui s’était passé.

Une femme qui a déclaré que les agressions avaient commencé quand elle avait six ans a déclaré qu’elle urinait sur elle-même pour se protéger. Plus ça sentait, plus elle se sentait en sécurité.

«Je laissais sécher et je recommençais la même chose. J’ai refusé de changer de sous-vêtements et de pantalon», a-t-elle raconté. «Je voulais me venger de la petite fille qu’il avait blessée. Je voulais me venger parce que la petite fille avait peur. Je ne veux plus me venger: j’ai 51 ans et je ne suis plus une petite fille et je n’ai plus peur», a-t-elle dit.

Certaines victimes ont déclaré qu’elles ne mettraient plus les pieds dans une église catholique ni ne laisseraient leurs enfants le faire.

«Je n’aime plus aller à l’église, même si c’est pour une occasion spéciale», a indiqué une femme dans sa déclaration sur les répercussions sur la victime.

«Je déteste voir de nouveaux prêtres arriver dans notre communauté. Je déteste l’odeur de l’encens que l’Église catholique utilise.»

Elle a raconté au tribunal qu’elle avait récemment retrouvé son certificat de naissance et qu’elle avait l’intention de le brûler parce qu’elle pense que c’est le père Dejaeger qui l’a peut-être baptisée. «Je vais maintenant vérifier et le brûler, même si le nom d’Éric n’y figure pas, car ça vient de l’Église catholique.»

Une photo de cette femme lorsqu’elle avait cinq ans a été présentée au tribunal comme pièce à conviction, et des gémissements de douleur ont pu être entendus dans la vidéoconférence des procédures judiciaires.

«Regardez ! J’espère que vous la reconnaissez», a-t-on pu entendre une femme crier à l’accusé. «Elle est innocente. Comment pouvez-vous toucher une enfant de cinq ans ?»

Malaises devant l’affection

Certaines femmes ont décrit leur malaise à recevoir aujourd’hui de l’affection physique de la part de leur petit ami ou de leur mari, et comment elles avaient consommé drogues et alcool pour atténuer la douleur. Certaines ont aussi déclaré avoir peur des chiens parce que Dejaeger en avait un.

La Gendarmerie royale du Canada a révélé en juin 2023 que Dejaeger avait été arrêté en vertu d’un mandat pancanadien à Kingston, en Ontario, où il vivait. La GRC avait précisé que les accusations découlaient d’enquêtes menées entre 2011 et 2015.

Dejaeger avait déjà été reconnu coupable d’avoir commis de nombreux crimes à caractère sexuel alors qu’il était missionnaire oblat de Marie-Immaculée auprès des Inuits.

Il a purgé une partie d’une peine de cinq ans de prison, à compter de 1990, pour des crimes à caractère sexuel commis contre des enfants à Baker Lake, au Nunavut, entre 1982 et 1989.

Puis, en 2015, il avait été condamné à 19 ans de prison pour 32 crimes commis contre des enfants inuits et certains adultes entre 1978 et 1982 à Igloulik — notamment pour attentat à la pudeur, séquestration illégale et bestialité.

Plus tard cette année-là, il a également été condamné pour des crimes à caractère sexuel remontant à plusieurs années contre des enfants en Alberta, à purger en même temps que sa peine pour les accusations antérieures d’Igloulik.

Il a bénéficié d’une libération conditionnelle d’office le 19 mai 2022, après avoir purgé les deux tiers de sa peine.

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