OTTAWA — Le caucus du Bloc québécois, passé de 33 à 23 députés, s’est réuni mercredi à Ottawa avec le sentiment que la formation politique a réussi à contrer, du moins en partie, le vent qui soufflait dans le dos des libéraux tout au long de la campagne électorale.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a, devant les médias, félicité ses troupes d’être parvenues à performer mieux que ce que des sondeurs et analystes prédisaient.
«Je suis humblement content parce que j’ai des amis tombés durant la campagne électorale, parce qu’on a moins de sièges qu’on en avait, mais je suis content parce qu’en termes tactiques ou stratégiques, le Bloc québécois dispose d’une position de force dont on n’a pas encore pris la mesure», a-t-il résumé après avoir rencontré ses députés, pour la première fois depuis l’élection de la semaine dernière.
À son avis, il se pourrait toutefois que les libéraux, qui sont à trois sièges d’un mandat majoritaire, essaient de convaincre des députés d’autres formations politiques de joindre leurs rangs afin d’atteindre le chiffre magique de 172. «Je crois que les prochaines semaines vont être intéressantes à suivre», a ajouté M. Blanchet.
Un peu plus tôt plusieurs de ses députés avaient indiqué que, selon eux, le Bloc a su s’adapter à une campagne électorale où planait l’ombre du président américain Donald Trump.
«Ce qui est certain, c’est qu’on a fait face à une campagne de peur. Ça, c’est assez clair, puis, dans le contexte, on peut dire qu’on a quand même fait relativement bonne figure», a dit Simon-Pierre Savard-Tremblay, qui a conservé son siège dans Saint-Hyacinthe—Bagot—Acton.
Questionné à savoir ce que le Bloc aurait pu faire de mieux pour obtenir des résultats plus enviables, il a répondu, en mêlée de presse, qu’il estimait que sa formation politique avait fait «ce qu’il fallait».
«Je pense que, vraiment, on faisait face à des vents qui étaient contraires, qui venaient de l’étranger où M. Trump a fait presque évacuer, en quelques semaines, dix ans de gouvernement, croit-il. Mais là, regardez, on a fait ce qu’on avait à faire, on a tapé sur les bons clous.»
Même son de cloche chez Alexis Deschênes, qui représentera aux Communes une circonscription nouvellement passée aux mains des bloquistes, Gaspésie—Les Îles-de-la-Madeleine—Listuguj.
«Le contexte de cette campagne a entraîné un grand défi d’adaptation avec l’omniprésence du facteur Trump. Je pense qu’on a mené une excellente campagne et que, dans les circonstances, on a réussi, si on compare à d’autres tiers partis qui ont perdu beaucoup de joueurs», dit celui qui a délogé l’ex-ministre libérale Diane Lebouthillier.
Sa collègue Christine Normandin, réélue dans Saint-Jean, évoque, elle aussi, une campagne de peur ayant conduit des électeurs inquiets des droits de douane américains à accorder leur vote aux libéraux de Mark Carney.
«C’est ce qu’on entendait sur le terrain. Si les gens hésitaient, c’était vraiment par la peur. Ce n’était certainement pas un désaveu du travail qu’on a fait parce qu’on a entendu de façon très, très, très affirmée que le travail du Bloc québécois est apprécié», a affirmé celle qui remplacera Alain Therrien en tant que leader parlementaire.
M. Therrien a perdu son siège dans La Prairie. Il est venu saluer mercredi ses collègues avant qu’ils se réunissent entre députés élus.
Le député de Pierre-Boucher—Les Patriotes—Verchères, Xavier Barsalou-Duval, a souligné que plusieurs courses ont été serrées à différents endroits au Québec, de telle sorte qu’«il y a beaucoup de comtés où ça a chauffé».
«Je dirais que j’ai été confiant avec mon porte-à-porte tout au long de la campagne, mais ça n’empêche pas qu’il y a des moments où on regardait les chiffres au national, puis on se demandait si mon porte-à-porte était réel», a-t-il confié en se rendant à la réunion de mercredi.
S’il a essuyé des pertes, le Bloc ressort avec nettement plus de sièges que le Nouveau Parti démocratique, qui n’a pas réussi à rafler assez de circonscriptions pour être une formation officiellement reconnue à la Chambre des communes. Cela privera alors les néo-démocrates du droit de siéger au sein des comités parlementaires, a relevé M. Barsalou-Duval.
«Donc (les libéraux) n’auront pas le choix de passer par nous. Puis ça, ça veut dire qu’ils vont être plus à l’écoute des demandes du Québec. En tout cas, nous, on va être là pour les faire valoir», a-t-il conclu.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a passé le plus clair de la campagne électorale à demander aux électeurs d’accorder la balance du pouvoir à sa formation politique.
Pour le nouveau député bloquiste Patrick Bonin, les bloquistes ne sont pas seuls à détenir la balance du pouvoir dans la configuration actuelle. «Il y a plusieurs partis, deux partis, à tout le moins, avec lesquels danser (et) potentiellement les conservateurs. Donc je pense qu’on est en bonne position pour représenter les intérêts du Québec, comme on l’a promis en campagne», a soutenu l’ancien responsable de la campagne Climat-Énergie pour le groupe environnemental Greenpeace.
La députée Marie-Hélène Gaudreau, réélue dans Laurentides-Labelle, croit pour sa part que le Bloc détient clairement la balance du pouvoir.
Quoi qu’il en soit, M. Bonin estime que la formation politique saura tailler sa place et «jouer un rôle important». Le député de Repentigny ayant succédé à la bloquiste Monique Pauzé, qui ne s’était pas portée candidate, s’est néanmoins désolé que les troupes bloquistes eurent perdu des députés, comme Alain Therrien.
«Mais on garde quand même une équipe très forte», s’est empressé d’ajouter le nouveau venu en politique.