L’avocate d’un réfugié d’origine algérienne suspecté de terrorisme a déclaré mardi à un juge que son client était un «acteur passif» qui a été lié à des extrémistes par des spéculations et non par des preuves tangibles.
Mohamed Harkat, 56 ans, a été arrêté à Ottawa en décembre 2002, soupçonné d’être un agent dormant d’Al-Qaïda. Il nie toute implication dans le terrorisme.
M. Harkat affirme avoir fui l’Algérie en proie à des conflits et avoir travaillé pour une agence d’aide humanitaire au Pakistan, avant d’arriver au Canada en 1995 avec un faux passeport saoudien. Il nie toute implication dans le terrorisme.
Ottawa tente d’expulser l’ancien préposé de station-service en utilisant un certificat de sécurité, un outil juridique qui permet d’expulser les non-citoyens soupçonnés de liens avec l’extrémisme ou l’espionnage.
Un juge de la Cour fédérale, Simon Noël, qui a examiné le certificat, a statué en 2010 qu’il y avait des raisons de croire que M. Harkat constituait une menace pour la sécurité et qu’il avait maintenu des liens avec le réseau terroriste d’Oussama ben Laden après son arrivée au Canada.
Le juge avait conclu que Mohamed Harkat avait exploité une maison d’hôtes pour Ibn al-Khattab et son organisation pendant au moins 15 mois au Pakistan, démontrant ainsi son appartenance active à une organisation impliquée dans des activités terroristes.
M. Harkat est de retour devant la Cour fédérale pour contester une décision de 2018 d’un délégué fédéral, selon laquelle il ne devrait pas être autorisé à rester au Canada. Il soutient qu’il risque d’être torturé s’il est renvoyé en Algérie.
Dans une soumission écrite au tribunal, les avocats fédéraux notent que le délégué a conclu que le rôle de M. Harkat en tant qu’exploitant de la maison d’hôtes d’Ibn al-Khattab a rendu possible le recrutement, la sélection, la préparation et la formation de djihadistes et de terroristes.
Cela a permis à l’organisation d’Ibn al-Khattab, et au réseau plus large de Ben Laden auquel elle était liée, de commettre divers actes terroristes, ajoute la soumission.
Dans leurs propres observations, les avocats de Mohamed Harkat remettent en question les preuves selon lesquelles Ibn al-Khattab était effectivement un terroriste.
L’avocate Barbara Jackman, qui représente M. Harkat, a mentionné lors de l’audience de mardi que les conclusions fédérales étaient non seulement déraisonnables, mais qu’elles «prenaient également des faits et spéculaient pour combler les lacunes».
L’exploitation d’une maison d’hôtes n’était pas un crime, a fait valoir Me Jackman.
«Cela ne dépend-il pas de la connaissance et de l’intention de la personne qui gère la maison d’hôtes?» a demandé le juge John Norris.
Ce dernier a suggéré que le gouvernement devrait établir que M. Harkat connaissait le but de l’endroit.
L’avocate a déclaré que M. Harkat nie même avoir travaillé dans la maison d’hôtes.
Malgré tout, elle a contesté le raisonnement fondé sur les preuves. «Il faut démontrer un lien avec le crime ou l’organisation criminelle d’une manière ou d’une autre, a-t-elle avancé. C’est un acteur passif qui gère un hôtel dans lequel les gens entrent et sortent.»
À la fin de l’audience, le juge Norris a indiqué qu’il rendrait une décision sur le recours de M. Harkat à une date ultérieure.
Les défenseurs des libertés civiles ont critiqué le processus de certificat de sécurité, qu’ils considèrent comme étant fondamentalement injuste parce que le détenu ne voit qu’un résumé des accusations, ce qui les rend difficiles à contester.
Dans une décision de 2014, la Cour suprême du Canada a signalé que le régime des certificats de sécurité ne violait pas le droit d’une personne de connaître et de contester les allégations auxquelles elle fait face.
La Cour suprême a également conclu que Mohamed Harkat «a bénéficié d’un processus équitable» lorsque son dossier avait été examiné par le juge Simon Noël.