Le gouvernement du Québec veut s’attaquer aux cessions de bail

Thomas Laberge, La Presse Canadienne
Le gouvernement du Québec veut s’attaquer aux cessions de bail

QUÉBEC — Si le projet de loi 31 est adopté, les propriétaires de logements pourront plus facilement refuser une demande de cession de bail de leurs locataires. 

Un propriétaire dont le locataire veut céder son bail pourra tout simplement le résilier. Actuellement, un motif sérieux est nécessaire. La cession de bail est utilisée par certains locataires pour limiter les hausses de loyer.

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, soutient que ce n’est pas aux locataires de contrôler les hausses de loyer.

«Cette histoire-là de cession de bail ou de magasinage de beaux entre locataires, c’est une entrave au droit de propriété des propriétaires», soutient-elle. La ministre a affirmé que plusieurs propriétaires se sont plaints de cette situation. 

Très attendu, le projet de loi de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur le logement a été déposé vendredi, soit à la dernière journée de la session parlementaire. 

Maintien de la clause F 

Le projet de loi prévoit également que les propriétaires de nouveaux logements devront indiquer dans le bail le montant maximal du loyer pour les cinq prochaines années. 

La clause F – qui existe déjà dans le bail – permet aux propriétaires de tels logements de hausser les loyers sans être assujettis à la grille du Tribunal administratif du logement. 

La ministre ne voulait pas retirer cette clause. «La clause F, on la laisse à cinq ans, car dans le contexte économique actuel où on a bien besoin de constructeurs qui font du logement, il n’était pas question de venir introduire une mesure qui allait leur imposer un fardeau additionnel en termes de risque à assumer», a-t-elle expliqué.

L’objectif de cette modification est de donner plus de prévisibilité aux locataires. «Les locataires vont savoir dans quoi ils s’embarquent et pourront décider de signer ou non le bail», affirme Mme Duranceau.

Limiter les évictions abusives

Québec veut aussi limiter les évictions abusives avec ce projet de loi. Tout d’abord, si un locataire reçoit un avis d’éviction et qu’il ne répond pas avant la date limite, on considérera, par défaut, qu’il l’a refusé. Ce sera ensuite au propriétaire de démontrer que sa demande d’éviction correspond aux critères. 

«La loi permet au locateur d’un logement d’évincer le locataire pour subdiviser, agrandir substantiellement ou changer l’affectation de ce logement», peut-on lire sur le site du Tribunal administratif du logement. 

Également, le projet de loi va obliger le propriétaire qui évince un locataire de le dédommager à hauteur d’un mois de loyer par année d’habitation continue dans le logement, jusqu’à un maximum de 24 mois. «Quelqu’un qui est dans un logement pendant 20 ans va minimalement recevoir 20 mois de loyer», illustre Mme Duranceau. 

Actuellement, la compensation prévue est de trois mois. Le propriétaire doit également payer des frais raisonnables de déménagement.

Un locataire qui juge avoir été expulsé de son logement pour des motifs non valides peut interpeller le Tribunal administratif du logement. En ce moment, c’est à lui de prouver son point. Si le projet de loi est adopté, ce sera au propriétaire de démontrer qu’il a agi conformément à la loi. «Le fardeau de la preuve va être sur les épaules du propriétaire», précise la ministre.

Elle espère que son projet de loi sera adopté avant Noël prochain.

«Vieille loi capitaliste»

Québec solidaire n’a cessé de talonner le gouvernement pour qu’il dépose un projet de loi sur le logement. Maintenant que c’est chose faite, le parti de gauche n’est guère impressionné par l’initiative de Québec. Le député solidaire Andrés Fontecilla a fustigé le projet de loi. Il considère qu’il constitue «un recul majeur» sur la question des cessions de bail.

 «Je suis particulièrement inquiet que la ministre enlève cette possibilité aux locataires de procéder à une cession de bail», a-t-il lancé. Il reconnaît quand même que peu de locataires cèdent leur bail. 

M. Fontecilla dénonce le fait que le projet de loi ne contient pas de mesure pour encadrer les hausses de loyer ou pour interdire les évictions servant à transformer les logements en Airbnb. 

«Tout le système de régulation des relations entre locataire et propriétaire aujourd’hui est fondé sur la loi de l’offre et de la demande; la vieille loi capitaliste. C’est un marché qui est complètement détraqué. Ça prend une intervention de l’État», a-t-il soutenu. 

Le député solidaire reconnaît quand même que les mesures pour limiter les évictions sont une avancée. «Mais le fond du problème demeure: les hausses de loyer abusives vont continuer à exister au Québec», a-t-il dit. 

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