La commission des services policiers de Toronto approuve une hausse de 4,3% du budget

Jordan Omstead, La Presse Canadienne
La commission des services policiers de Toronto approuve une hausse de 4,3% du budget

TORONTO — Une proposition visant à augmenter le budget de la police de Toronto de près de 50 millions $ a été adoptée à l’unanimité par la Commission municipale des services de police, lundi, même si certains estiment que cet argent serait mieux investi dans des services communautaires déjà sous-financés.

La proposition de hausse avait été annoncée la semaine dernière par le maire de Toronto. John Tory indiquait que ce nouveau financement permettrait notamment à la Ville d’ajouter environ 200 policiers et de financer des programmes visant à lutter contre la violence chez les jeunes, après de récents cas qu’il a qualifiés de troublants.

La Commission municipale des services de police a entendu lors d’une séance publique, lundi, les arguments du chef de la police ainsi que des opposants à cette hausse, avant de voter sur la proposition du maire Tory.

Le chef Myron Demkiw a ainsi plaidé que l’augmentation de 48,3 millions $ répondrait aux demandes visant à ce que le service améliore ses délais de réponse, renforce sa présence au centre-ville et s’appuie sur son programme de police de quartier.

«Ce budget représente une étape importante dans notre plan pluriannuel de création, de réforme et de construction, a-t-il dit. Il nous permettra de commencer à remédier aux problèmes qui préoccupent les Torontois.»

Mais des travailleurs de la santé, des avocats et des organisateurs communautaires ont critiqué la proposition, arguant que la police est un moyen imparfait et inefficace de prévenir le crime, qui cible de manière disproportionnée les Noirs, les Autochtones et les personnes racisées.

La docteure Suzanne Shoush, une médecin noire et autochtone, a déclaré à la commission qu’elle était «stupéfaite» par la proposition qui, selon elle, manque de données probantes et détournerait d’indispensables sommes des efforts pour résoudre la crise du coût de la vie à Toronto.

«À titre de médecin, je constate chaque jour que les communautés les plus sûres ne sont pas les communautés avec le plus de policiers, mais celles avec le plus de ressources», a-t-elle mentionné. 

La proposition de financement approuvée par la Commission municipale des services de police sera maintenant soumise au conseil municipal, le mois prochain, dans le cadre de l’étude du budget global de la Ville.

Il s’agit de la première mesure financière présentée par M. Tory dans le cadre des nouveaux pouvoirs de «maire fort» qui lui ont été accordés par le gouvernement provincial. Le maire peut donc mettre son veto aux modifications du conseil municipal, qui pourrait ensuite l’annuler par une majorité des deux tiers.

La hausse proposée représenterait une augmentation de 4,3 % pour la police par rapport au budget de 2022. Le budget total de la police de Toronto atteindrait en 2023 un peu plus de 1,1 milliard $.

Le chef Demkiw a présenté cette hausse comme un coup de pouce nécessaire, en partie pour couvrir les augmentations de salaire des policiers. Environ 18,5 millions $ seraient alloués à ce seul poste budgétaire, a indiqué le chef à la commission.

Des fonds seraient également affectés à l’embauche de 162 policiers «d’intervention prioritaire», dont 25 affectés au centre-ville pour une «présence stratégique», et 20 opérateurs de communication d’urgence.

«Des tâches prioritaires»

Il ne s’agit pas, selon le chef Demkiw, de faire grossir pour grossir le service de police, mais plutôt de s’attaquer à des tâches que des examens indépendants et la communauté avaient identifiées comme prioritaires.

Il a cité un rapport présenté par le vérificateur général de la Ville, en juin 2022, qui a révélé que le temps de réponse de la police était régulièrement inférieur aux objectifs. Le chef a aussi rappelé des statistiques qui montrent que Toronto suit derrière certaines autres grandes villes nord-américaines en matière d’effectif policier par habitant.

«Lorsque les principaux paramètres nous indiquent que nous ne pouvons pas répondre adéquatement à la demande dans une ville en pleine croissance, nous avons la responsabilité de demander l’investissement dans les ressources», a-t-il plaidé.

Le vérificateur général a constaté que dans environ 40 % des appels de moindre priorité, tels que des contrôles de bien-être ou des chicanes, les circonstances suggéraient qu’une réponse alternative non policière aurait pu être en mesure de gérer l’appel. Mais le chef Demkiw a estimé que ces autres modèles «prendront du temps» à se concrétiser. En attendant, a-t-il dit, la police demeure, en fait, «le fournisseur de services par défaut».

Les critiques, quant à eux, ont fréquemment cité des rapports récents qui, selon eux, soulignent les conséquences dévastatrices d’une surveillance excessive des communautés noires, autochtones et racisées.

Ils ont fait référence aux conclusions d’un rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne de 2020, qui révélait que les Noirs de Toronto étaient 20 fois plus susceptibles que leurs homologues blancs d’être abattus par la police. Un rapport de 2022 du service de police lui-même a aussi révélé qu’un Noir était plus susceptible de se faire pointer une arme par un policier lorsqu’il n’était pas armé, comparativement à un Blanc dans la même situation.

«Vous tuez déjà trop de gens, vous blessez déjà et traumatisez déjà trop de gens, et vous en demandez plus, a dénoncé le militant communautaire Desmond Cole. Vous devez être définancé. Vous devez être aboli.»

Toronto a connu en 2022 plusieurs incidents violents – certains mortels – autour ou dans des écoles secondaires, ainsi que dans les transports en commun.

«La police n’empêche pas le crime, elle se présente après coup pour prendre des notes sur les événements qui se sont produits», a soutenu Huda Idrees, fondatrice et PDG de l’organisme «Dot Health».

Le maire Tory, qui a fait campagne cet automne contre les appels au «définancement» de la police, a déclaré la semaine dernière que la Ville «ne pouvait pas reporter l’investissement» dans ce service après que ce budget a été maintenu à environ 1,7 % d’augmentations annuelles moyennes au cours de ses huit dernières années comme maire.

Les dirigeants de regroupements de commerces du centre-ville se sont prononcés en faveur de la hausse du budget de la police, en citant des préoccupations concernant les dommages matériels, le vol et les «comportements agressifs et erratiques».

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