Islamophobie: l’embauche de professeurs doit se faire sur le mérite, recadre Trudeau

Michel Saba, La Presse Canadienne
Islamophobie: l’embauche de professeurs doit se faire sur le mérite, recadre Trudeau

OTTAWA — L’embauche de professeurs doit se faire «sur le mérite», insiste le premier ministre Justin Trudeau après qu’un comité parlementaire a recommandé que les universités sélectionnent davantage de professeurs musulmans, palestiniens et arabes.

«Que ce soit des universités qui sont indépendantes ou autres, chaque institution a la responsabilité d’embaucher les meilleurs professeurs, les meilleurs enseignants basés sur le mérite. C’est ce à quoi s’attendent tous les Québécois et tous les Canadiens», a-t-il déclaré mercredi lors de la période des questions à la Chambre des communes.

M. Trudeau répondait au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, qui, lui, voulait savoir où il se situait dans le débat.

«Est-ce que le premier ministre prend fait et cause pour des gens qui, dans des écoles laïques au Québec, imposent la présence de la religion où il prend fait et cause pour ceux qui sont littéralement agressés parce qu’ils veulent faire respecter le principe de laïcité dans l’école québécoise», a-t-il demandé.

Quelques minutes plus tôt, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a refusé à maintes reprises de dire s’il est en accord avec la recommandation, lorsque les journalistes parlementaires le questionnaient.

«Ce qui est clair, c’est qu’il y a une hausse de la haine, particulièrement la haine qui cible les communautés minoritaires et on doit faire tout ce qu’on peut pour faire face à cette haine», a-t-il offert.

Et en quoi l’embauche de professeurs contribue à combattre la haine? «Ce n’est pas ma position», a répondu M. Singh.

Dans un rapport rendu public mardi, le comité de la justice et des droits de la personne recommande que le gouvernement fédéral «affirme la nécessité» que les établissements d’enseignement, dont les universités, embauchent davantage de professeurs musulmans, palestiniens et arabes.

Le comité fait cette recommandation malgré qu’il reconnaît implicitement que l’éducation ne relève pas du champ de compétence du gouvernement fédéral en estimant que cela doit se faire «en consultation et en collaboration» avec les provinces.

Cette idée reprend la recommandation que faisait en août la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, dans une lettre aux collèges et universités, et qui lui avait valu que l’Assemblée nationale du Québec réclame à l’unanimité et pour une deuxième fois sa démission.

Des députés libéraux mal à l’aise

Des députés libéraux croisés dans les couloirs du parlement, mercredi, étaient clairement mal à l’aise avec la recommandation de leurs collègues.

«On va laisser les universités faire l’embauche en fonction des compétences», a déclaré la ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau. Sans vouloir condamner la recommandation, elle a insisté pour dire que c’était le fruit d’«un comité indépendant».

Son collègue de Laval—Les Îles, Fayçal El-Khoury, a jugé que la recommandation du comité est «délicate» et qu’elle relève des compétences provinciales.

«On respecte la liberté de religion et on respecte la loi canadienne, a-t-il dit. Je laisse la province de “dealer” avec cette question. (…) L’éducation et la santé, c’est provincial.»

La députée torontoise Salma Zahid a défendu le contenu du rapport qu’elle a contribué à rédiger. Selon elle, il faut que les jeunes aient «des modèles et plus de diversité (…) pour que tout le monde se reconnaisse».

Mme Zahid a néanmoins convenu, mais sans élaborer, que «ce devrait être la compétence» qui prime dans l’embauche de professeurs.

Dans une opinion dissidente au rapport, le Bloc québécois manifeste son «profond désaccord» avec l’idée «inconcevable» que les universités du pays se voient imposer «un quota» de professeurs musulmans, palestiniens ou arabes.

«Jamais le Bloc Québécois n’appuiera l’idée que les professeurs soient nommés en fonction de leur religion ou de leur ethnicité, au lieu de leur savoir et de leur compétence. Cette recommandation va complètement à l’encontre de la liberté académique et de l’autonomie des établissements d’enseignement postsecondaire», peut-on lire.

Il estime également qu’il est «inutile et contre-productif» que les parlementaires fassent des recommandations dans des domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Parlement fédéral. «Évidemment, dire qu’on ne commet pas de faute juste avant de la commettre, ne change strictement rien au résultat», insiste-t-on.

Le Parti conservateur du Canada ne traite pas de l’enjeu de l’embauche de professeurs musulmans, palestiniens et arabes dans sa propre opinion dissidente.

Il reproche plus généralement au comité d’avoir élargi le champ d’action de l’étude de sorte à inclure le racisme anti-palestinien et le racisme anti-arabe. Le premier de ces concepts a, selon eux, pour «objectif explicite» de «nier l’expérience, l’identité et les valeurs juives».

Dans la foulée du tollé provoqué par le rapport, le lieutenant politique pour le Québec de Pierre Poilievre a commenté que son parti s’oppose «fermement» à la recommandation sur l’embauche de professeurs sur la base de leur religion ou de leur origine ethnique.

«Les professeurs doivent être embauchés uniquement en fonction de leur mérite et de leurs qualifications. Nous rejetons complètement l’idée que les professeurs devraient être embauchés en fonction de leur religion», a affirmé Pierre Paul-Hus.

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