QUÉBEC — Des élus municipaux demandent au ministre des Finances, Eric Girard, d’annuler la fermeture de succursales de la Société des alcools (SAQ) dans des centres-villes.
Le ministre, qui est responsable de la SAQ, a été interpellé pour la première fois jeudi dans cette confrontation opposant des maires et la société d’État, qui refuse de plier.
Dans un communiqué obtenu par La Presse Canadienne, le maire de Québec, Bruno Marchand, le maire de Stanstead, Jody Stone, et la mairesse Heidi Ektvedt, de Baie-D’Urfé, lui demandent d’intervenir.
«Au net, les fermetures annoncées coûteront nettement plus cher qu’elles ne rapporteront aux coffres de l’État», soutiennent-ils, en réclamant une politique de responsabilité territoriale de la SAQ.
De même, la présidente de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), Nathalie Prud’homme, conclut que les décisions de la SAQ entraîneront la «dévitalisation» des centres-villes.
En mars, sept maires et mairesses avaient réclamé un moratoire sur la fermeture de huit succursales, dont Julie Dufour, de Saguenay, Antoine Tardif, de Victoriaville, et Bruno Marchand.
Mais la semaine dernière, en commission parlementaire, le patron de la SAQ, Jacques Farcy, avait justifié sa décision de fermer certaines succursales dans des centres-villes, pour des raisons de rentabilité.
La mairesse Heidi Ektvedt n’accepte pas cette réponse du président et chef de la direction.
«Pas du tout, ça ne ressemble pas à ma réalité, le stationnement est toujours plein» à la SAQ de Baie-D’Urfé, a-t-elle riposté, en entrevue avec La Presse Canadienne jeudi midi.
«Je ne comprends pas», a-t-elle insisté, en précisant que d’autres élus municipaux partagent son point de vue.
Elle a exigé que la SAQ ouvre ses livres concernant les succursales visées, pour voir sur quoi se base la SAQ, ce que M. Farcy avait refusé de faire la semaine dernière.
«Il n’y a pas beaucoup de transparence», a dénoncé la mairesse.
La décision de fermer la succursale de la SAQ dans sa municipalité, à la fin d’août selon ce qui circule, aura des conséquences dévastatrices pour d’autres commerces, estime-t-elle.
Cela «va l’encontre de la tendance» d’avoir des villes densifiées, a déploré Mme Ektvedt.
Les citoyens iront ailleurs dans les villes avoisinantes pour faire toutes leurs emplettes en même temps qu’acheter une bouteille de vin, a-t-elle expliqué.
Nathalie Prud’homme a abondé dans le même sens et a d’ailleurs rappelé que les succursales de la SAQ sont un «vecteur de développement» et jouent un rôle «attractif» dans le coeur des villes et villages, en favorisant des habitudes dans les commerces de proximité.
«C’est ça qui dynamise un centre-ville», a-t-elle soutenu, au cours d’une entrevue avec La Presse Canadienne.
Elle juge que la SAQ va à l’encontre des orientations du gouvernement en matière d’urbanisme et a «la responsabilité de respecter» la Politique nationale d’aménagement du territoire, adoptée par le gouvernement lui-même, qui valorise les centres-villes.
La décision de la SAQ «a un effet direct sur la dévitalisation des centres-villes», a-t-elle poursuivi en ajoutant que la SAQ a «une mission beaucoup plus large» que la vente d’alcool.
«Une société d’État, ce n’est pas seulement là pour être rentable», a résumé Mme Ektvedt.
«J’appelle donc le gouvernement du Québec à un moratoire sur les fermetures des succursales d’ici à ce que la société d’État se soit dotée d’une politique de responsabilité territoriale», a déclaré pour sa part le maire Bruno Marchand.
«Les fermetures de succursales ne sont tout simplement pas justifiées et auraient des conséquences économiques significatives pour les collectivités», a tranché le directeur général de l’organisme Vivre en Ville, Christian Savard.