QUÉBEC — Après avoir été éconduite par le Directeur général des élections (DGE), l’Assemblée nationale revient à la charge et a ordonné vendredi au DGE de lever le secret sur le financement illégal du camp du Non au référendum de 1995.
Le premier ministre François Legault a évité de dire que ce référendum avait été volé, comme le soutiennent des partisans du Oui à la souveraineté.
En Chambre, le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, a fait adopter une motion, un «ordre de l’Assemblée», pour que le DGE dévoile les documents et témoignages de la commission Grenier, chargée d’enquêter sur cette affaire en 2007.
Le résultat du référendum de 1995 sur la souveraineté avait été très serré et le camp souverainiste a souvent accusé ses adversaires du Non à l’indépendance d’avoir contourné les règles sur les dépenses en campagne référendaire.
En conférence de presse, M. Legault a dit qu’il voulait «qu’on fasse toute la lumière», mais a évité d’affirmer que le référendum avait été volé.
«On n’a pas, pour l’instant, toutes les informations. Quand on aura toutes les informations, je pourrai répondre à votre question», a-t-il déclaré lors de son bilan de la session parlementaire.
Il y a deux semaines, le Parti québécois (PQ) avait fait adopter une motion à l’unanimité qui demandait au DGE de tout révéler.
Mais le DGE, Jean-François Blanchet, avait fait savoir que la motion pilotée par le PQ n’allait pas permettre «vraisemblablement une divulgation complète des témoignages et documents visés».
Il évoquait entre autres «le caractère préjudiciable que pourraient encore comporter certains documents».
Le DGE a dit que «ce n’était pas si clair, l’ordre de l’Assemble nationale», a résumé le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, en conférence de presse au côté de M. Legault.
«La motion qu’on a déposée est clairement libellée comme un ordre de l’Assemblée nationale», a-t-il expliqué.
En effet, elle «ordonne» au DGE de «divulguer et de rendre publics l’ensemble des témoignages et documents de la commission Grenier dans les plus brefs délais».
En conclusion, le texte précise même: «que cette motion soit un ordre de l’Assemblée».
Rappelons que le 30 octobre 1995, le Non à la souveraineté l’a emporté par une courte marge, 50,58 % contre 49,42 % pour le camp du Oui.
Les souverainistes ont accusé leurs adversaires fédéralistes d’avoir triché durant la campagne référendaire en ne respectant pas le plafond de financement attribué aux deux camps en vertu de la loi québécoise.
En 2006, le DGE avait chargé le juge retraité Bernard Grenier d’enquêter sur les allégations de financement illégal du camp du Non. La commission avait déposé un rapport en 2007.
Dans son rapport publié en 2007, il estimait à «environ 500 000 $ les dépenses réglementées qu’Option Canada (le programme et la société) ont effectuées et qui n’ont pas été autorisées et déclarées».
Pas moins de 90 témoins avaient été entendus à huis clos et 4500 documents déposés en preuve. Mais le tout est frappé d’une «ordonnance relative à la non-divulgation, la non-communication et la non-diffusion de la preuve», sans limite de temps, rendue par le commissaire Grenier.
Bernard Grenier avait justifié son ordonnance en disant qu’il était «sensible à la mise en garde exprimée par certains quant au risque de porter atteinte après 11 ou 12 ans à la réputation de personnes qui ont œuvré pour la cause du Non en toute bonne foi».
Il avait aussi affirmé qu’il voyait mal comment il pouvait rendre accessibles les documents à l’époque: «Les préjudices et les injustices qu’on aurait voulu éviter en procédant à huis clos seraient ainsi causés.»
Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon mène une bataille depuis des semaines pour lever le secret sur la commission Grenier. Selon lui, la population doit connaître la vérité sur ce qui s’est passé au cours de la campagne référendaire.
Il estime que le commissaire Grenier a fait de la politique en émettant son ordonnance.
«Pourquoi est-ce qu’on avait une ordonnance pour l’éternité visant à enterrer pour toujours tous les documents et tous les témoignages? avait-il demandé en mêlée de presse. Convenons que nous sommes en politique, c’est de la politique.»