OTTAWA — «Capitaine Canada» ou «Capitaine Alberta»? Le chef conservateur Pierre Poilievre a refusé, jeudi, de dire s’il envisagerait de suspendre les exportations d’énergie canadienne ou d’imposer des tarifs sur celle-ci advenant que l’administration Trump mette à exécution sa menace de droits de douane sur les importations canadiennes. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lui, se frottait les mains.
En conférence de presse en Colombie-Britannique, M. Poilievre paraissait plus que jamais coincé entre l’arbre et l’écorce, alors que l’Alberta – et possiblement la Saskatchewan – écarte catégoriquement cette idée, mais que les autres premiers ministres, y compris celui du Canada, veulent que toutes les options soient sur la table pour riposter.
Des quatre seules questions auxquelles il a accepté de répondre au terme d’un long monologue, le chef conservateur a habilement contourné les deux occasions où la presse lui a demandé de clarifier sa position.
«Je vais aussi unir notre pays. Je sais que les libéraux veulent gagner des élections en divisant les Canadiens d’une province à l’autre», a-t-il offert.
Selon M. Poilievre, le Canada «dépend» désormais des Américains «à cause des libéraux et de la « gogauche » radicale» qui ont, dit-il, rejeté le développement économique et empêché la construction d’oléoducs et d’usines de gaz naturel qui auraient permis de vendre les produits énergétiques directement aux autres pays outre-mer.
Mercredi, la première ministre albertaine, Danielle Smith, a refusé de signer une déclaration commune des provinces et du gouvernement fédéral tant et aussi longtemps que l’idée de sévir sur l’énergie sera évoquée.
Le premier ministre ontarien, Doug Ford, qui préside le Conseil de la fédération et qui est, comme Mme Smith, d’idéologie conservatrice, l’a rabrouée.
«Le Canada est la priorité, a-t-il rappelé. Et je ne crois pas qu’il faille mettre en péril un secteur ou un autre. Le pétrole de la première ministre Smith est le secteur automobile de l’Ontario.»
Et plus la journée avançait, plus les provinces solidifiaient leur «Équipe Canada». Le premier ministre du Québec, François Legault, jusqu’alors réticent, a annoncé qu’il croit également que rien ne doit être écarté «incluant l’énergie», ce qui comprend «l’électricité», une ressource qu’il vend en grande quantité aux Américains.
«Un moment critique» pour le Canada
Jeudi après-midi, dans une usine de Windsor, en Ontario, le premier ministre Trudeau a d’abord affirmé qu’il est important que tous les différents premiers ministres puissent exprimer leurs préoccupations pour leurs citoyens, leurs industries.
«Mais, en fin de compte, (…) tous les premiers ministres, sauf Mme Smith, ont choisi de mettre le Canada d’abord (…) contre l’approche injuste de l’administration américaine qui arrive», a-t-il ajouté.
Pour M. Trudeau, la balle est maintenant dans le camp de M. Poilievre qui doit choisir «s’il se range avec Équipe Canada, avec tous les premiers ministres, incluant le gouvernement fédéral, ou est-ce qu’il se range avec Danielle Smith, (l’homme d’affaire et vedette de l’émission de téléréalité) Kevin O’Leary et, évidemment, Donald Trump».
M. Trudeau a réitéré que le pays est «à un moment critique» et que, si M. Trump passe de la parole aux actes, le Canada répondra «de façon robuste, mais responsable».
Sur X, l’Albertaine Danielle Smith a imploré ses homologues d’adopter «une vraie approche Équipe Canada» avec, au premier chef, l’abandon de l’idée d’une «taxe» ou d’une «interdiction» d’exporter l’énergie, ce qui «menace le gagne-pain de dizaines de milliers d’Albertains et de Canadiens».
Parmi ses revendications, elle réclame que les Albertains soient traités «avec respect» en se rappelant qu’ils «transfèrent des centaines de milliards au Québec, aux Maritimes et même à l’Ontario depuis des décennies».
La construction de pipelines qui permettraient de diversifier l’économie canadienne en acheminant du pétrole et du gaz vers l’Europe, l’Asie et le reste du pays fait également partie de sa liste de demandes.
Le président Trump, qui doit être assermenté lundi, a promis de mettre en place des tarifs de 25 % sur toutes les importations canadiennes et mexicaines aux États-Unis, et ce, au moyen d’un décret exécutif qu’il compte mettre en œuvre dès le premier jour de sa présidence.