WASHINGTON — Des experts estiment que la volonté du président américain Donald Trump de faire baisser le prix du pétrole grâce à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est en contradiction avec les projets du chef républicain de faire des États-Unis une puissance énergétique dominante.
Il a fait ces commentaires lors d’un discours de grande envergure au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Il a également promis à son auditoire des réductions d’impôts s’ils délocalisaient leur production aux États-Unis – et a menacé d’imposer des droits de douane s’ils ne le faisaient pas.
«Je vais également demander à l’Arabie saoudite et à l’OPEP de réduire le prix du pétrole. Vous devez le réduire», a affirmé M. Trump, qui s’exprimait par visioconférence depuis la Maison-Blanche.
«Ce qui, franchement, m’étonne qu’ils ne l’aient pas fait avant les élections. Cela ne montre pas beaucoup d’amour en ne le faisant pas.»
M. Trump a déclaré qu’il exigerait que les taux d’intérêt baissent si les prix du pétrole baissent.
Le discours du président a eu lieu le troisième jour complet de son retour au pouvoir. M. Trump a signé une série de décrets cette semaine, traçant rapidement une nouvelle voie pour les États-Unis.
Le président a fait campagne sur la domination énergétique des États-Unis et a signé un décret exécutif plus tôt cette semaine déclarant une «urgence» énergétique, dans le cadre de son plan visant à réduire les obstacles réglementaires.
Des experts du secteur ont cependant déclaré que ses commentaires de jeudi contredisaient sa promesse d’augmenter la production pétrolière aux États-Unis tout en réduisant l’inflation pour les consommateurs américains.
«Le programme de domination énergétique des États-Unis est en contradiction avec la devise : « l’OPEP, baissez vos prix du pétrole »», a affirmé Heather Exner-Pirot, conseillère auprès du Conseil canadien des affaires.
Si les membres de l’alliance OPEP+ décident d’augmenter la production, cela fera baisser les prix, a-t-elle expliqué. Des prix plus bas déplaceraient l’offre américaine, qui est beaucoup plus coûteuse à produire.
Les producteurs américains sont désormais proches du seuil de rentabilité avec un pétrole à 70 $ le baril. Ils voudraient que les prix augmentent s’ils veulent augmenter les forages.
«Il n’y a aucune cohérence ni uniformité dans ce qu’il dit sur les marchés pétroliers», a indiqué Mme Exner-Pirot, qui est également directrice de l’énergie, des ressources naturelles et de l’environnement à l’Institut Macdonald-Laurier à Ottawa.
Trump s’en prend au Canada
M. Trump a également menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations canadiennes. Il a répété dans son discours de jeudi que les États-Unis n’avaient pas besoin de l’énergie canadienne.
«Le Canada a été très difficile à gérer au fil des ans», a-t-il lancé.
Toutefois, environ 60 % des importations américaines de pétrole brut proviennent du Canada. Cela signifie que près d’un quart du pétrole que les États-Unis consomment chaque jour provient du nord de la frontière.
Le premier ministre Justin Trudeau a répondu aux propos de M. Trump à Ottawa jeudi, indiquant que l’«âge d’or» des États-Unis promis par le président américain ne peut pas être atteint sans le Canada.
«Pour réussir à avoir un boom économique, ils vont avoir besoin de plus d’énergie, de plus de minerais, incluant des minerais critiques. Ils vont avoir besoin de plus de choses que le Canada est actuellement en train de leur envoyer», a dit M. Trudeau.
Il a ajouté que, si M. Trump impose réellement ces tarifs douaniers, le Canada sera prêt à répondre, et que cette mesure augmentera le coût de la vie pour les citoyens américains.
Des propos contradictoires
Rory Johnston, chercheur en marché pétrolier basé à Toronto et fondateur de Commodity Context, a déclaré sur les réseaux sociaux que M. Trump voulait «rendre les matières premières des raffineries américaines – et les prix à la pompe aux États-Unis – plus chers via des droits de douane sur le brut canadien».
«Tout en réduisant la valeur de la production pétrolière américaine en incitant l’OPEP+ à produire davantage, a-t-il ajouté. C’est… un choix.»
Mme Exner-Pirot a dit avoir une théorie sur l’inspiration des commentaires de M. Trump sur l’OPEP. Elle a évoqué que les producteurs de pétrole américains ont peut-être averti le président qu’ils ne peuvent pas augmenter la production comme il l’a promis.
Le président a également eu un appel téléphonique avec le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane plus tôt jeudi. M. Trump a déclaré avoir été informé au cours de l’appel que le royaume souhaite investir 600 milliards $ aux États-Unis.
M. Trump a soutenu à l’auditoire de Davos qu’il ferait en sorte que cette somme soit augmentée à 1000 milliards $.
Mme Exner-Pirot a dit qu’elle soupçonnait M. Trump de «dire des choses en fonction de son humeur au cours des dernières 24 heures».
Invité à réagir à l’affirmation de M. Trump selon laquelle les États-Unis n’ont pas besoin du pétrole canadien, le porte-parole de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, Sam Blackett, a fait valoir que le message de la première ministre «n’a pas changé».
«Un tarif douanier américain portera préjudice aux consommateurs américains et canadiens, et nous devrions nous concentrer sur le développement de nos relations commerciales par la diplomatie, et non par des menaces», a-t-il ajouté.
Carlo Dade, directeur du commerce et de l’infrastructure commerciale à la Canada West Foundation, a indiqué que la baisse des prix du pétrole demandée par M. Trump pourrait réduire les revenus de plusieurs provinces canadiennes.
M. Dade a convenu que les mots et les objectifs de M. Trump étaient contradictoires, ajoutant que cela poserait un défi permanent aux responsables canadiens qui tentent de naviguer dans la relation bilatérale au milieu des menaces de tarifs douaniers et d’une révision en cours de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique.
«Comment prendre des décisions politiques lorsque vous recevez des tweets ou des annonces politiques qui se contredisent ? C’est le dilemme qui se pose à l’avenir et c’est pourquoi il est si difficile de traiter avec M. Trump», a affirmé M. Dade.
— Avec des informations de Lisa Johnson, à Edmonton, et de l’Associated Press