Des experts voient la décriminalisation de certains psychotropes d’un bon oeil

Fakiha Baig, La Presse Canadienne
Des experts voient la décriminalisation de certains psychotropes d’un bon oeil

La décriminalisation de certaines drogues psychotropes à usage personnel pourrait réduire la stigmatisation entourant la consommation de certaines substances ayant des vertus médicinales, disent des experts.

La Colombie-Britannique a décidé d’aller de l’avant avec cette politique. À compter de l’an prochain, les personnes ayant en leur possession 2,5 grammes ou moins de certaines drogues dites dures pour leur usage personnel ne seront plus arrêtées ou accusées. La drogue ne sera plus saisie non plus.

«La police offrira plutôt des renseignements sur l’aide sanitaire et sociale à leur disposition. Elle pourra même référer des cas si on le lui demande», indiquait la province en mai.

Zach Walsh, professeur de psychologie à l’Université de la Colombie-Britannique, affirme que la guerre contre les drogues est l’une des principales causes de la crise ayant entraîné de nombreuses morts par surdose au pays. C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’un des meilleurs traitements pour des problèmes de santé mentale, soit la thérapie combinée à la consommation de produits modifiant la conscience, n’est pas employé.

L’ostracisme qui accompagne la consommation de produits psychotropes et de drogues plus dures remonte aux années 1970, rappelle-t-il. Toutefois, l’attitude de la population à leur endroit est en train de changer, souligne le Pr Walsh.

Selon lui, les psychotropes, les opioïdes et les stimulants devraient être traités différemment.

«Quand il a été clair que la guerre contre la drogue était perdue, on a vu de la décriminalisation, on a constaté une plus grande acceptabilité des psychotropes. Ils peuvent être bénéfiques à la santé mentale.»

Plusieurs experts disent avoir remarqué un plus grand intérêt envers les psychotropes. Des tests cliniques de substances psychotropes et de leurs dérivés ont reçu le feu vert dans le monde entier.

Damian Kettlewell, chef de la direction de Clairvoyant Therapeutics, conduit des tests auprès de plusieurs dizaines de personnes pour étudier si la psilocybine, un ingrédient actif des champignons hallucinogènes, peut être employée contre l’alcoolisme.

M. Kettlewell dit lui aussi que la décriminalisation de certains produits illicites pourrait réduire le stigmatisme contre les thérapies impliquant la consommation de produits altérant la conscience, comme la psilocybine, la kétamine, le LSD ou la MDMA (la composante active de l’ectasty).

«J’encourage les sceptiques à examiner l’histoire de la guerre contre les drogues. Le LSD était utilisé de façon efficace contre l’alcoolisme par les psychothérapeutes en Californie dans les années 1950.»

Il cite l’exemple de Bill Wilson, l’un des cofondateurs des Alcooliques anonymes, qui a écrit sur son expérience du LSD dans les années 1950 et réfléchi à son potentiel pour aider certaines personnes aux prises avec une dépendance à l’alcool.

«La psilocybine a fait l’objet de nombreuses recherches dans les années 1950 et 1960, mais tout a été arrêté», ajoute M. Kettlewell.

Il ajoute que la déformation a servi à diaboliser ces substances. «Elles ont été employées par des communautés autochtones de façon positives pendant des milliers d’années», raconte M. Kettlewell.

Alexander Somjen, le chef de la direction d’Origin Therapeutics, est du même avis.

«La décriminalisation accroît la prise de conscience autour des problèmes de dépendance et de santé mentale. Elle accroît la nécessité de trouver de nouvelles formes de traitement, dit-il. La psilocybine a le potentiel d’aider les gens à voir différemment le monde en créant un nouveau modèle narratif dans leur cerveau, comme si celui-ci possédait d’une fonction ‘effacer’.»

Le Pr Walsh croit que l’élimination de la stigmatisation des drogues est un pas dans la bonne direction. «Comme toute guerre, cela prend un certain temps pour s’habituer de nouveau à la paix. C’est ce que l’on constate peu à peu, morceau par morceau.»

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

Note aux lecteurs: Version corrigée. Dans une citation de Damian Kettlewell, il était écrit qu’un fondateur des Alcooliques anonymes a attribué l’inspiration du groupe à une expérience du LSD qu’il avait vécue dans les années 1930. En fait, Bill Wilson a essayé le LSD dans les années 1950, puis a réfléchi à son potentiel pour aider certaines personnes aux prises avec une dépendance à l’alcool.

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