MONTRÉAL — Sylvie Brosseau a déclaré qu’elle et son conjoint, Normand Meunier, rêvaient d’acheter une caravane aménagée où, malgré sa tétraplégie, ils pourraient s’adonner à leur passion commune pour le plein air et passer du temps avec leurs enfants et petits-enfants.
Tout a changé après que M. Meunier a été laissé sur une civière dans un hôpital au nord de Montréal pendant 96 heures et qu’il a développé une grave escarre qui n’a jamais guéri, a raconté Mme Brosseau jeudi à l’extérieur de la salle d’audience de Montréal où un coroner tient des audiences sur le décès de Normand Meunier.
M. Meunier, qui avait 66 ans, a demandé l’aide médicale à mourir deux mois après l’apparition de l’escarre et est décédé le 29 mars 2024.
«Malgré sa tétraplégie, il avait encore des projets à réaliser, il avait des objectifs ambitieux, a expliqué Mme Brosseau. Mais à cause de l’escarre incurable apparue à l’hôpital, il n’avait plus aucune perspective sur la vie.»
Mme Brosseau affirme avoir demandé à plusieurs reprises au personnel hospitalier de fournir à M. Meunier un matelas thérapeutique spécial pour prévenir les escarres, mais elle dit s’être sentie ignorée.
«Ils se souciaient très peu de moi», a-t-elle expliqué avant son témoignage à l’enquête du coroner.
Elle a apporté des photos de la vie du couple, dont une montrant M. Meunier affichant un large sourire entouré de ses petits-enfants. Elle a ajouté qu’elle souhaitait que les gens se souviennent de cette facette de lui, et pas seulement des photos choquantes de la plaie béante sur sa fesse, qu’une infirmière décrirait comme la plus grande qu’elle ait jamais vue.
Le coroner Dave Kimpton préside l’enquête sur le décès de M. Meunier. L’enquête, qui a débuté le 5 mai, entend également des témoignages de policiers, de membres du personnel médical et d’experts qui formuleront des recommandations.
Dans son témoignage de jeudi après-midi, Mme Brosseau a soutenu que les escarres étaient «toujours une source d’inquiétude», car M. Meunier en avait développé lors de précédents séjours à l’hôpital.
Elle a témoigné que son conjoint avait été transporté à l’hôpital de Saint-Jérôme le 18 janvier 2024 pour des problèmes respiratoires. Elle a indiqué avoir informé le personnel médical qu’il était sujet aux plaies et les avoir informés du matériel nécessaire, notamment d’un matelas thérapeutique.
Elle a toutefois précisé que son conjoint est resté sur une civière pendant quatre jours avant d’être transporté aux soins intensifs. Après un séjour de deux jours aux soins intensifs, il a été transféré dans une autre unité le 26 janvier, où, selon Mme Brosseau, le matériel adéquat n’était toujours pas fourni.
Lorsqu’elle a interrogé l’un de ses médecins au sujet d’un matelas, on lui a répondu: «Vous avez de la chance, je lui ai sauvé la vie», a-t-elle témoigné. Il lui a répondu que d’autres se chargeraient de trouver un matelas thérapeutique.
«Pour lui, cela faisait partie du décor», a-t-elle déclaré à propos du matelas.
Normand Meunier a pu quitter l’hôpital le 29 janvier. Le lendemain, le personnel médical venu le soigner à domicile a constaté la plaie et a été sous le choc, a-t-elle raconté.
Un combat acharné pour avoir du matériel
Mme Brosseau a fondu en larmes en décrivant la blessure le 5 février, après que les soignants de son mari ont convaincu la famille de M. Meunier de retourner à l’hôpital.
«Je n’ai jamais rien vu de tel, a-t-elle dit. C’est inimaginable.»
Mme Brosseau a raconté que, tout au long des multiples séjours de son mari à l’hôpital, elle a dû se battre sans relâche pour qu’il obtienne le matériel nécessaire, notamment des matelas, des draps et des bandages adaptés à ses besoins. Normand Meunier a demandé l’aide médicale à mourir début mars, son état continuant de se dégrader.
Il est décédé le 29 mars, entouré de sa famille et au son de sa musique préférée.
«Il est parti comme il le souhaitait», a-t-elle dit.
À la fin de son témoignage, le coroner a confié à Mme Brosseau avoir été «bouleversé» par son témoignage et a salué son dévouement envers sa partenaire.
«Il a eu de la chance d’avoir une combattante à ses côtés», lui a confié le coroner.
L’avocat de Mme Brosseau, Patrick Martin-Ménard, a déclaré à l’extérieur de la salle d’audience que le témoignage de M. Meunier démontre que les escarres et les soins aux personnes susceptibles d’en souffrir demeurent un «angle mort» du système de santé.
«Ce que nous avons constaté tout au long de cette enquête, c’est que, tout au long du séjour de M. Meunier, les professionnels qui auraient dû être formés pour surveiller cette situation étaient très peu sensibilisés», a-t-il affirmé.
Me Martin-Ménard a déclaré que les témoignages du personnel hospitalier démontraient un manque d’introspection ou de volonté d’assumer la responsabilité de ce qui est arrivé à Normand Meunier. Il a dit espérer que l’enquête permettra de renforcer le système, qui identifiera et répondra proactivement aux besoins des personnes à risque d’escarres à chaque étape de leur parcours dans le réseau de la santé.