OTTAWA — Mark Carney, fraîchement élu pour la toute première fois il y a deux semaines, a dévoilé, mardi, le vaste conseil des ministres de pas moins de 38 membres, presque paritaire, en comptant des élus de toutes les provinces et d’un territoire.
Et bien que les libéraux sont au pouvoir depuis 2015, il marque une cassure avec l’ère Trudeau en étant moins à gauche et avec plus d’un tiers de nouveaux visages.
«Les Canadiens ont voté pour de grands changements. Pas de petits changements. (…) Et c’est nécessaire d’avoir de nouvelles perspectives avec de l’expérience», a résumé le premier ministre lors d’un point de presse devant la résidence de la gouverneure générale après la cérémonie d’assermentation.
M. Carney a déclaré que le nouveau conseil des ministres devra «prendre des mesures décisives». Son gouvernement, qui est minoritaire, a un mandat «clair», a-t-il noté, mentionnant qu’il compte réaliser son programme «rapidement et avec force».
Selon sa compréhension, les Canadiens veulent qu’il établisse une nouvelle relation économique et de sécurité avec les États-Unis, bâtisse une économie plus forte et réduise le coût de la vie et assure davantage de sécurité au pays.
M. Carney établit une distinction entre les termes «cabinet» et «conseil des ministres» que les Canadiens utilisaient comme des synonymes au cours des dernières années. Seuls les «ministres», ils sont 28, siégeront au cabinet. Ils seront aidés de dix «secrétaires d’État». Le groupe, dans son ensemble, forme le conseil des ministres.
Zone paritaire
Le premier ministre renoue avec la tradition établie par son prédécesseur Justin Trudeau en 2015 de nommer un cabinet paritaire. En plus de M. Carney, il est composé de 14 hommes et tout autant de femmes. Dans l’ensemble du conseil des ministres, M. Carney sera néanmoins entouré de 20 hommes, et 18 femmes.
Il s’agit du deuxième conseil des ministres de M. Carney, mais de son premier depuis son élection. Lorsqu’il a pris la tête des libéraux, M. Carney avait réduit la taille du conseil des ministres, le faisant passer de 39 membres à 23.
L’hyperactif député de la Mauricie François-Philippe Champagne reste aux Finances. Il ajoutera les fonctions de ministre du Revenu national.
Et après une décennie où les déficits se sont accumulés, M. Carney a expliqué qu’«une nouvelle discipline fiscale» guidera ses troupes. «Notre gouvernement va dépenser moins pour que les Canadiens puissent investir plus», a-t-il dit.
Dans la région de Québec, M. Carney fait accéder Joël Lightbound au Saint des saints à titre de ministre de la Transformation du gouvernement, des Travaux publics et de l’Approvisionnement, continuant ainsi d’exclure Jean-Yves Duclos (Québec-Centre) du conseil des ministres.
Chrystia Freeland, dont la démission comme ministre avait poussé M. Trudeau vers la sortie et qui était la principale rivale de Mark Carney lors de la course à la direction des libéraux, conserve les fonctions de ministre des Transports et du Commerce intérieur.
Prenant un virage vers le centre de l’échiquier politique, M. Carney renonce pour une seconde fois à ramener Karina Gould au conseil des ministres. Et Nathaniel Erskine-Smith en est exclu, tout comme dix autres députés qui ont été réélus, dont les Québécoises Rachel Bendayan et Élisabeth Brière, et les poids lourds Bill Blair, Jonathan Wilinson et Ginette Petitpas-Taylor.
Sur le réseau X, M. Erskine-Smith ne s’est d’ailleurs pas gêné pour signaler son insatisfaction. «On ne peut pas ne pas se sentir méprisé, et la tournure des événements est inadéquate», a écrit l’élu ontarien.
Celui qui était ministre du Logement a affirmé s’être porté candidat à nouveau, dans les récentes élections, parce qu’il espérait faire une différence en étant à la table du cabinet.
Parlant de l’exercice difficile de composer un conseil des ministres, l’ancien premier ministre Jean Chrétien a lancé qu’«il y en a qui sont contents et d’autres qui sont en maudit», en se rendant à Rideau Hall.
Relation canado-américaine
Mélanie Joly perd les Affaires étrangères au profit d’Anita Anand, pour devenir ministre de l’Industrie. La députée montréalaise occupait le poste depuis octobre 2021.
Ce n’est «absolument pas» une rétrogradation, a-t-elle répondu aux journalistes devant Rideau Hall. «C’est ce que j’ai demandé. Je quitte le front diplomatique pour aller sur le front économique de la guerre tarifaire», a-t-elle affirmé.
Au chapitre des autres mousquetaires de la relation canado-américaine, l’Acadien Dominic LeBlanc conserve sensiblement les mêmes fonctions. Il sera responsable du Commerce Canada-États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de «l’Unité de l’économie canadienne».
Le député de la région d’Ottawa David McGuinty, qui était la semaine dernière assis dans le Bureau ovale à titre de ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, aura désormais la responsabilité de la Défense nationale.
L’ancien ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, est reconduit dans des fonctions de ministre de «l’Identité et de la Culture canadiennes». Il se voit ajouter la responsabilité des Langues officielles, un portefeuille qui avait complètement disparu il y a quelques mois dans le premier cabinet de Mark Carney.
Le communiqué du bureau du premier ministre laisse croire que M. Guilbeault a été dépouillé de sa fonction de lieutenant de M. Carney au Québec, fonction qui n’existerait plus. Or, une porte-parole a précisé que tel n’est pas le cas et que M. Guilbeault conserve ce rôle.
Steven MacKinnon, un élu de l’Outaouais, renouera avec des fonctions qu’il avait occupées précédemment de leader du gouvernement à la Chambre des communes.
Nouveaux élus du Québec
Parmi les nouveaux élus, Marjorie Michel, qui représente désormais la circonscription de Papineau où s’était fait élire Justin Trudeau, dont elle a été cheffe de cabinet adjointe, devient ministre de la Santé. Le poste était occupé par Kamal Khera, mais elle a été battue aux dernières élections.
La députée d’Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou et ancienne grande cheffe du Grand Conseil des Cris au Québec, Mandy Gull-Masty, accède à la fonction de ministre des Services aux autochtones.
D’autres élus du Québec ont été nommés secrétaires d’État: Anna Gainey (Notre-Dame-de-Grâce—Westmount) aura des responsabilités au chapitre de l’enfance et de la jeunesse, et Nathalie Provost (Châteauguay–Les Jardins-de-Napierville), une survivante de la tuerie de l’École polytechnique, aidera en matière de «nature».
L’ancien ministre des Finances du Québec Carlos Leitão, nouvellement arrivé sur la scène fédérale, n’aura pas de place à la table des décisions. «Il faut faire des choix et j’ai fait des choix», a expliqué M. Carney aux journalistes, tout en notant que son soldat est fort compétent et expérimenté.
Autres nominations notables, le Néo-Écossais Sean Fraser devient ministre de la Justice, Lena Metlege Diab est la nouvelle ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, et l’ex-président de la société d’État Hydro One, Tim Hodgson, sera en charge de l’Énergie et des Ressources naturelles.
Le nouveau conseil des ministres tiendra mercredi sa première réunion. Le Parlement doit reprendre ses travaux le 26 mai. M. Carney a annoncé que le roi Charles III prononcera le discours du Trône le lendemain.
– Avec des informations Vicky Fragasso-Marquis