B’nai Brith croit que la «réforme de la loi 101» pourrait faire fuir des Juifs

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne
B’nai Brith croit que la «réforme de la loi 101» pourrait faire fuir des Juifs

MONTRÉAL — La «réforme de la loi 101» nuira aux aînés juifs anglophones vulnérables et pourrait provoquer un nouvel exode des jeunes juifs du Québec, a déclaré lundi l’organisation B’nai Brith.

Le PDG de B’nai Brith, Michael Mostyn, a déclaré que sa communauté partageait bon nombre des préoccupations déjà soulevées par d’autres organismes culturels et des politiciens municipaux — notamment le fait que le législateur ait invoqué de manière préventive la disposition de dérogation, dans le but de protéger la nouvelle loi linguistique des éventuelles contestations judiciaires fondées sur la Charte des droits et libertés.

Mais au-delà de ces préoccupations générales, a-t-il dit, la loi aura des impacts particuliers sur la communauté juive du Québec, dont beaucoup de membres ont l’anglais comme première ou deuxième langue. 

M. Mostyn craint que les immigrants âgés d’Ukraine et de l’ex-Union soviétique ne puissent plus accéder aux services en anglais, et que les jeunes juifs quittent la province parce qu’ils ne se sentent plus les bienvenus.

Lors d’une conférence de presse à Montréal, lundi, il a estimé que cette réforme de la Charte de la langue française «pointe au fond une arme sur la tempe des Québécois en les forçant à utiliser le français dans des contextes où des accommodements étaient auparavant possibles pour les non-francophones». 

Selon M. Mostyn, cette loi viole les droits des minorités à participer pleinement à la société québécoise et elle entraînera une réduction des services de santé et des programmes sociaux pour les Québécois qui ne parlent pas français.

Le premier ministre François Legault a cherché à plusieurs reprises à rassurer les anglophones sur le fait que cette réforme n’empêchera pas les gens de se faire soigner en anglais, et il a accusé les détracteurs de la loi d’attiser inutilement la peur.

Mais Marvin Rotrand, directeur de la ligue des droits de la personne au sein de B’nai Brith, a déclaré qu’à son avis, la loi est «assez claire»: les soins de santé en anglais ne seront pas protégés dans les situations non urgentes, telles que les rendez-vous chez le médecin.

Selon lui, la loi rendra également plus difficile le recrutement de rabbins à l’extérieur du Québec, car cette réforme resserre une exemption qui permet à ces leaders religieux d’envoyer leurs enfants dans des écoles juives anglophones.

Il a soutenu qu’auparavant, les enfants de rabbins pouvaient fréquenter les écoles anglaises pendant une période de trois ans – et que cette exemption pouvait être renouvelée. Or, en vertu de la nouvelle loi, a-t-il dit, cette période de grâce a été raccourcie et elle n’est plus renouvelable.

Ils craignent «un deuxième exode» 

L’ancien conseiller municipal montréalais estime que la combinaison de cette «réforme de la loi 101» et de la Loi sur la laïcité de l’État, qui interdit à certains fonctionnaires de porter des signes religieux au travail, pourrait pousser de nombreux jeunes membres de la communauté juive à quitter le Québec. 

MM. Rotrand et Mostyn craignent un «deuxième exode», semblable à ce qui s’est passé dans les années 1970 et 1980, lorsque de nombreux Juifs sont partis pour Toronto en raison du mouvement souverainiste au Québec et de l’adoption de la Charte de la langue française, communément appelée «loi 101».

Selon M. Rotrand, la communauté juive du Québec est composée à environ 53 % d’anglophones, dont plusieurs sont âgés, et dont 20 % vivent sous le seuil de la pauvreté. «Il y a là une certaine fragilité, a-t-il dit. Si la communauté (juive) veut grandir, elle a besoin du soutien du gouvernement du Québec et de nos concitoyens.»

La «Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français» a été adoptée le 25 mai à l’Assemblée nationale par 78 voix contre 29. Elle étend le processus de francisation aux petites et moyennes entreprises de 25 à 49 employés, resserre l’admission aux cégeps anglophones et limite pour certains l’accès à des communications et des services gouvernementaux dans des langues autres que le français.

Bien qu’il existe des exceptions pour les membres de la «communauté historique anglophone» en matière de santé, de sécurité publique et d’éducation, M. Rotrand soutient que de nombreux membres de la communauté juive n’y seront pas admissibles parce qu’ils sont nés ou ont fréquenté l’école à l’extérieur du Canada.

Meir Edery, qui a récemment obtenu un diplôme en droit dans une université francophone, a déclaré lundi que la loi l’avait fait se sentir indésirable au Québec, même s’il parle français. Cette loi «crée un climat de peur, un climat d’appréhension contre les anglophones — et contre moi, même si je suis parfaitement bilingue», a-t-il dit.

Alors que certains groupes, dont la Commission scolaire English-Montréal, ont déposé ou envisagent de déposer des contestations judiciaires contre la loi, M. Rotrand a déclaré qu’il était «prématuré» de dire si B’nai Brith ferait de même.

Il a déclaré que l’organisme voulait d’abord examiner le texte final de la loi et voir si le gouvernement québécois serait prêt à apporter de petits changements — ou à travailler avec la communauté sur sa mise en œuvre.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires