MONTRÉAL — Il y a dix ans, le gouvernement du Québec voulait y extraire des hydrocarbures et aujourd’hui, Anticosti a été ajoutée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, réuni mardi à Riyad, en Arabie saoudite, pour sa 45e session, a annoncé qu’Anticosti fait désormais partie du patrimoine mondial.
Selon André Desrochers, directeur scientifique du comité de pilotage pour la candidature d’Anticosti, l’île «est vraiment le meilleur laboratoire naturel sur la planète pour étudier les fossiles et les couches sédimentaires de la première extinction de masse sur Terre».
Si Anticosti a été choisie, c’est notamment parce qu’on y retrouve «le témoignage fossile le plus complet de la vie marine de l’époque couvrant 10 millions d’années de l’histoire de la Terre, soit de l’Ordovicien supérieur au Silurien inférieur, il y a 447 à 437 millions d’années», selon la fiche technique présentée à l’UNESCO.
Cette période de l’Histoire n’était pas représentée jusqu’à aujourd’hui dans la liste de l’UNESCO, a précisé André Desrochers.
Le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbault, a participé à la campagne pour désigner Anticosti, avant d’entrer en politique.
Il a indiqué, dans un communiqué, que les vestiges de l’île «aident à mieux comprendre comment le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer à l’époque ont contribué à un moment décisif de l’histoire – la première extinction massive mondiale de la vie sur Terre».
La quantité, la diversité et l’état de conservation des fossiles seraient exceptionnels et permettraient «un travail scientifique de classe mondiale», souligne la fiche technique présentée à l’UNESCO.
«Nous devons nous préparer à recevoir un nombre beaucoup plus important de visiteurs, et nos infrastructures d’accueil doivent être mises à niveau. Nous avons besoin d’une meilleure desserte en transport et d’une nouvelle offre d’hébergement, mais aussi d’autres infrastructures et services de base. Un Centre d’interprétation de calibre mondial permettra également d’accueillir les visiteurs, de partager les connaissances au public et de mettre en lumière la valeur universelle exceptionnelle d’Anticosti», a expliqué dans un communiqué la mairesse d’Anticosti, Hélène Boulanger.
La mairesse a remercié «du fond du cœur tous ceux et celles qui ont cru à ce projet et qui ont travaillé d’arrache-pied pour qu’il devienne réalité».
À l’abri de l’exploitation d’hydrocarbure
Rappelons qu’au cours de la dernière décennie, cette immense île au beau milieu du Saint-Laurent, reconnue comme un paradis de la chasse, a fait l’objet de convoitise et de controverse. Des entreprises pétrolières et gazières ont voulu exploiter ses ressources en hydrocarbures, avec la bénédiction du gouvernement de Pauline Marois de l’époque.
Le gouvernement de Philippe Couillard a ensuite imposé un moratoire en 2017 sur l’exploration en vue de trouver des hydrocarbures et de les exploiter. L’État québécois a dû par la suite indemniser les entreprises pour environ 62 millions $ au total.
Le premier ministre François Legault s’est dit très fier de la désignation d’Anticosti.
«Ca veut dire qu’on a réussi a bien protéger cet endroit magnifique. Depuis notre arrivée au gouvernement, on a fait passer la portion d’aire protégée sur l’île de 7 % à plus de 90 %», a mentionné le premier ministre dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
En 2017, la Coalition avenir Québec de François Legault avait déploré la décision du premier ministre Couillard de mettre fin à l’exploration des hydrocarbures sur l’île, ce que le chef intérimaire libéral, Marc Tanguay, a tenu à rappeler mardi à l’Assemblée national.
«M. Couillard aura été à ce moment-là celui qui aura posé le beau geste que François Legault a décrié à haut cri», a souligné M. Tanguay, mardi avant-midi.
«Si Anticosti entre aujourd’hui au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est parce que des élu-e-s ont compris que l’avenir ne se trouve pas dans le pétrole. Le Québec leur doit beaucoup», a pour sa part indiqué Louis Bélanger, membre de la Commission biodiversité de Nature Québec, dans un communiqué.
Anticosti est située dans le golfe du Saint-Laurent, au Québec, et couvre un territoire de 7932,79 kilomètres carrés, dont un littoral de plus de 550 km.
Le seul village de la Municipalité de L’Île-d’Anticosti est Port-Menier et il compte environ 200 habitants.
« Nous sommes fiers du travail que nous avons accompli avec nos partenaires anticostiens et nord-côtiers pour qu’on lui reconnaisse pleinement sa valeur universelle exceptionnelle», a déclaré par communiqué Jean-Charles Piétacho, chef innu de la communauté d’Ekuanitshit et partenaire de la première heure du projet UNESCO.
Le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, a précisé, dans un communiqué, que l’île est «un milieu naturel unique où cohabitent de nombreuses espèces qu’on se devait de protéger» et que cette reconnaissance est l’aboutissement d’un travail qui a duré plusieurs années.
L’ancien maire d’Anticosti, John Pinault, fait notamment partie de ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans la préparation de la candidature de l’île.
Avant cette désignation, seulement deux sites québécois figuraient sur la liste de l’UNESCO: le parc national de Miguasha, en Gaspésie, ainsi que l’arrondissement historique du Vieux-Québec.