Les personnes trans sont visées par une rhétorique «horrible» dans les États

Andrew Demillo, The Associated Press
Les personnes trans sont visées par une rhétorique «horrible» dans les États

LITTLE ROCK, Ark. — Ce mois-ci, c’était la première fois que la pharmacienne Gwendolyn Herzig témoignait devant un comité législatif lorsqu’elle s’est entretenue avec plusieurs législateurs de l’Arkansas. Elle était dans une salle d’audience bondée et s’est exprimée au sujet d’un projet de loi restreignant les soins d’affirmation de genre pour les mineurs.

Mme Herzig, qui est transgenre, s’est prononcée contre la loi et a déclaré au comité que l’un des plus grands obstacles auxquels les personnes trans sont confrontées est le manque d’empathie. Quelques minutes plus tard seulement, un élu républicain lui a posé une question inappropriée sur ses organes génitaux.

«C’était horrible», a-t-elle déclaré.

L’échange, qui a été diffusé en direct sur le site web de l’assemblée législative et qui a depuis été largement partagé sur les réseaux sociaux, est un exemple du type de questions et de rhétorique dégradantes auxquelles les personnes transgenres font face lorsqu’elles se présentent dans les comités législatifs des États pour témoigner contre de nouveaux projets de loi visant leurs droits.

Dans le Dakota du Sud, un élu a parlé des «furries» – ces personnes qui se déguisent en animaux – lorsqu’il abordait les soins affirmant le genre. Dans le Montana, un législateur a comparé les parents aidant leurs enfants à trouver un traitement à demander aux médecins de procéder à un suicide médicalement assisté.

Nombre record de projets de loi

Les défenseurs de la cause craignent que cette rhétorique de plus en plus hostile à l’égard des personnes transgenres puisse avoir un effet dissuasif sur ceux qui veulent dénoncer de nouvelles restrictions et causer des dommages durables à une communauté de jeunes trans qui est déjà marginalisée.

«J’ai l’impression que c’est ce qu’ils essaient de faire, pour nous empêcher de venir et d’exercer ce droit que nous avons», a relevé Rumba Yambu, de l’organisme Intransitive, un groupe de défense et de soutien pour les personnes transgenres dans l’Arkansas. 

«Parce que, qui veut aller se faire poser des questions sur ses organes génitaux devant un groupe d’inconnus? Surtout des inconnus au pouvoir.»

Jusqu’à présent cette année, au moins 150 projets de loi ciblant les personnes transgenres ont été présentés, ce qui est le plus élevé en une seule année, selon la Human Rights Campaign.

Des interdictions de soins affirmant le genre pour les mineurs ont déjà été promulguées cette année dans le Dakota du Sud et l’Utah, et les gouverneurs républicains du Tennessee et du Mississippi devraient signer des interdictions similaires. L’Arkansas et l’Alabama ont des interdictions qui ont été temporairement bloquées par les juges fédéraux.

Certains États sont allés jusqu’à restreindre les soins affirmant le genre pour les adultes et proposer des interdictions sur les spectacles de drag.

Une expérience «horrible»

Gwendolyn Herzig était venue au Capitole de l’État pour témoigner contre un projet de loi visant à rétablir l’interdiction de l’Arkansas sur les soins d’affirmation de genre pour les mineurs en facilitant le dépôt de poursuites pour faute professionnelle contre les fournisseurs. Dans son témoignage, Mme Herzig a parlé de son expérience de travailler avec des patients transgenres qui suivent un traitement hormonal substitutif.

«Des projets de loi comme le SB199 sont conçus pour entraver, et non aider, les citoyens en créant des obstacles aux soins de santé basés sur des preuves qu’ils méritent, sous prétexte d’aider les jeunes et les innocents», a-t-elle soutenu, ajoutant qu’un vote pour le projet de loi était «antipatriotique». 

Lors des questions de suivi, le sénateur républicain Matt McKee a demandé à Mme Herzig si elle était transgenre.

Lorsqu’elle a répondu à l’affirmative, il lui a demandé: «Avez-vous un pénis?»

La question a suscité des moqueries et des halètements audibles dans la salle de comité bondée.

«C’est horrible», a répondu Mme Herzig. Elle a dit à M. McKee que lui poser une telle question était inapproprié, ajoutant qu’elle témoignait en tant que professionnelle de la santé.

«Je n’avais jamais été aussi humiliée publiquement de ma vie», a déclaré Herzig à l’Associated Press dans une interview quelques jours plus tard.

M. McKee n’a pas répondu à un courriel ou à un appel téléphonique, mais a défendu sa question dans une déclaration écrite.

«En tant que père de quatre filles, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger mes enfants et les enfants de l’Arkansas, en particulier d’une bande de « wokes » qui a l’intention de nous imposer leur programme et leurs croyances et de détruire nos familles», a-t-il tranché.

Les experts rejettent les interdictions

L’idée de protéger les enfants en refusant les soins médicaux est rejetée par des experts de la santé. Ceux-ci soulignent que les mineurs atteints de dysphorie de genre qui ne reçoivent pas de soins appropriés courent un risque considérablement accru de suicide et de dépression grave.

Les questions de M. McKee avaient le même ton que celles posées à l’adolescente de Debi Jackson, Avery, qui est transgenre et non binaire. Elles avaient témoigné devant les élus du Missouri l’année dernière au sujet d’une proposition visant à interdire aux filles et aux femmes trans de participer à des équipes sportives correspondant à leur identité de genre.

Au cours de l’audience, un élu a demandé à Avery s’ils allaient «passer par la procédure». Depuis cet échange, Avery ne veut plus témoigner devant de tels comités, selon Mme Jackson.

Des militants disent que la rhétorique entourant ces interdictions proposées exacerbe encore un environnement déjà perfide pour les personnes transgenres, leurs familles et les prestataires de soins médicaux. Les hôpitaux pour enfants du pays ont été confrontés à une recrudescence de harcèlement et de menaces de violence pour avoir fourni des soins de confirmation du genre.

Bien qu’elle dit avoir reçu une vague de soutien depuis son témoignage, Mme Herzig a déclaré qu’elle et la pharmacie qu’elle possède avaient également reçu des courriels et des appels haineux.

Les personnes opposées à la prise en charge des mineurs affirment que les enfants sont trop jeunes pour prendre des décisions concernant leur avenir, comparant parfois ces traitements à la maltraitance des enfants. Et ce, malgré le fait que les experts médicaux disent que les soins sont sûrs lorsqu’ils sont administrés correctement.

Presque tous les grands groupes médicaux, dont l’American Medical Association, se sont opposés à l’interdiction de tels soins pour les mineurs.

L’année dernière, le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, a ordonné à l’agence de protection de l’enfance de l’État d’enquêter sur la possibilité que de tels soins représentent des abus, mais un juge a depuis bloqué ces enquêtes.

Amber Briggle, la mère d’un enfant transgenre au Texas dont la famille a fait l’objet d’une enquête après l’ordre du gouverneur Abbott, a déclaré qu’elle était frustrée lorsqu’elle s’exprimait devant des élus de son État qui, selon elle, avaient déjà pris une décision sur la question. Mais Mme Briggle prévoit retourner au Capitole du Texas cette année et elle dit que l’intervention de Mme Herzig la motive encore plus à se présenter et à s’exprimer.

«Ils ne devraient pas avoir à lutter seuls contre cela, a-t-elle soutenu, à propos des personnes transgenres qui s’expriment devant les élus. Ils doivent savoir qu’ils ont des alliés aimants et qui les soutiennent de leur côté.»

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