Les enfants haïtiens sont de plus en plus souvent pris entre deux feux par la violence des gangs, contraints de porter des armes, d’espionner la police et les gangs rivaux en plus de faire des courses pour des hommes armés, selon un rapport publié mercredi par Amnistie internationale.
L’un des 51 enfants interrogés par l’organisation de défense des droits de la personne a déclaré qu’il était constamment sous la pression d’un gang pour combattre à ses côtés.
«Ils ont tué des gens devant moi et m’ont demandé de brûler leurs corps. Mais je n’ai pas cran pour cela», a déclaré le garçon non identifié.
Selon l’UNICEF, de 30 % à 50 % des membres de gangs sont aujourd’hui des enfants. Selon Amnistie internationale, les enfants «n’avaient pas le choix et leur participation était principalement motivée par la faim ou la peur».
Près de deux millions de personnes sont au bord de la famine en Haïti et plus d’un million d’enfants vivraient dans des zones contrôlées par des gangs. Ces groupes détiennent entre autres 85 % de la capitale, Port-au-Prince.
Un garçon non identifié, âgé de 16 ans, a déclaré qu’il était payé pour faire des courses pour un gang.
«(Les gangs) ont le contrôle, et on ne peut rien y faire».
Si les enfants refusent de suivre les ordres d’un gang, le rapport indique qu’ils sont menacés de mort avec leur famille. Ce rapport s’appuie sur un total de 112 entretiens et des recherches effectuées de mai à octobre 2024.
Les enfants ne sont pas seulement en danger face aux gangs, mais aussi face aux milices et aux policiers qui pensent travailler pour eux, note Amnistie internationale.
Des filles et de jeunes femmes ont été violées collectivement par des membres de gangs et infectées par des maladies sexuellement transmissibles. Elles se retrouvent souvent enceintes dans ce pays plein d’insécurités où les soins de santé sont extrêmement limités.
Une adolescente a été violée par six hommes et sa sœur par cinq autres.
«Il y avait tellement de sang», a raconté la sœur cadette lors d’une entrevue.
Une autre adolescente a raconté comment elle avait bu de l’eau de Javel pour tenter de se suicider après avoir eu un bébé à la suite d’un viol par trois hommes qui l’avaient laissée nue en public.
«Des gens m’ont trouvée dans la rue et m’ont mis une robe», a-t-elle rapporté.
Amnistie internationale a indiqué que de nombreuses personnes interrogées «se moquaient de l’idée de signaler leurs agressions aux autorités».
Une jeune fille de 16 ans qui a été enlevée et violée par plusieurs membres de gangs disait: «Vous vous moquez de moi? Ce n’est pas possible (…) Il n’y a pas de police (…) Les seuls chefs en ville sont les membres de gangs».
La violence a également entraîné des blessures et des décès.
Une jeune fille de 14 ans a raconté comment une balle qui a ricoché lui a transpercé la lèvre en septembre 2024. Trois mois auparavant, son frère de 17 ans a été tué par une balle perdue.
«J’ai perdu une personne très présente dans ma vie. Depuis, je ne sais plus comment être heureuse», a déclaré la jeune fille.
La violence frappe particulièrement les enfants handicapés, certains d’entre eux racontant comment ils ont dû abandonner béquilles et fauteuils roulants lors d’attaques soudaines de gangs dans leur quartier.
Amnistie internationale a appelé le gouvernement haïtien à mieux soutenir les enfants, à rétablir l’éducation, à fournir des services de santé mentale et à reprendre les procédures judiciaires contre les enfants soupçonnés de liens avec des gangs. Ceux-ci sont actuellement détenus sans inculpation.
L’organisation a également déclaré que davantage de ressources, notamment en matière de formation et de sécurité, étaient nécessaires pour aider à la réinsertion des enfants dans la société.
«La communauté internationale ne peut pas continuer à faire des promesses en l’air, presse le rapport. Le pays a besoin d’une assistance technique et financière immédiate et durable pour sauver une génération de garçons et de filles de la violence répétée des gangs.»
En 2023, 128 enfants auraient été tués, selon l’ONU. Bien que le chiffre ne soit pas disponible pour l’année dernière, plus de 5600 personnes auraient été tuées en 2024, selon l’organisation.