Le nouveau rapport du GIEC prévient que les pays doivent en faire davantage

Frank Jordans et Seth Borenstein, The Associated Press

BERLIN — Les températures sur Terre dépasseront un seuil clé à moins que les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne chutent plus rapidement que les pays ne se sont engagés jusqu’ici, a déclaré lundi le GIEC, mettant en garde contre les conséquences de l’inaction — tout en soulignant quelques signes encourageants de progrès.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré que le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) révélait «une litanie de promesses climatiques non tenues» par les gouvernements et les entreprises, les accusant d’attiser le réchauffement climatique en s’accrochant aux combustibles fossiles nocifs.

Selon M. Guterres, il s’agit «d’un bilan de honte, un répertoire de promesses vides, qui nous mettent fermement sur la voie vers un monde invivable».

Les gouvernements avaient convenu dans l’accord de Paris de 2015 de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2° Celsius au cours de ce siècle — et idéalement moins de 1,5°.

Pourtant, les températures ont déjà augmenté de plus de 1,1° depuis l’ère préindustrielle, ce qui a entraîné une augmentation mesurable et tangible des catastrophes.

On cite par exemple des crues soudaines, des sécheresses prolongées, des ouragans plus intenses et des incendies de forêt de plus longue durée, mettant des vies humaines en danger un peu partout dans le monde et coûtant aux gouvernements des centaines de milliards de dollars.

«Les émissions mondiales projetées (selon les engagements actuels des pays) placent la limitation du réchauffement climatique de 1,5° C hors de portée et rendent plus difficile après 2030 de limiter le réchauffement à 2° C», concluent les experts du GIEC.

En d’autres termes, «si nous continuons à agir comme nous le faisons actuellement, nous n’allons même pas limiter le réchauffement à 2 degrés, encore moins à 1,5», résume le coprésident du rapport, James Skea, de l’Imperial College de Londres, en entrevue à l’Associated Press.

Réductions de 45 % d’ici 2030

Les investissements en cours dans les infrastructures de combustibles fossiles et le défrichage de vastes étendues de forêts pour l’agriculture compromettent les réductions massives des émissions nécessaires pour atteindre l’objectif de Paris, selon le nouveau rapport du GIEC.

«Pour maintenir à portée de main la limite de 1,5 degré convenue à Paris, nous devons réduire les émissions mondiales de 45 % pendant cette décennie», a déclaré M. Guterres. «Mais les engagements climatiques actuels signifieraient une augmentation de 14 % des émissions.»

Dans un résumé négocié avec les gouvernements au cours des deux dernières semaines, le groupe d’experts a conclu que le retour du réchauffement à 1,5°C d’ici 2100 nécessiterait d’éliminer de grandes quantités de dioxyde de carbone de l’atmosphère. De nombreux experts estiment que ce n’est pas possible avec les technologies actuelles — et que même si cela pouvait l’être, cela coûterait beaucoup plus cher que d’éliminer les émissions à la source.

Les auteurs du rapport se disent «très confiants» qu’à moins que les pays n’intensifient leurs efforts pour réduire les émissions de GES, la planète sera en moyenne de 2,4 à 3,5°C plus chaude d’ici la fin du siècle — un niveau qui, selon les experts, aurait certainement de graves répercussions sur une grande partie de la population mondiale.

«Nous sommes sur la voie d’un réchauffement climatique de plus du double de la limite de 1,5° convenue à Paris», a déclaré M. Guterres. «Certains chefs de gouvernement et d’entreprises disent une chose, mais en font une autre», a-t-il dit. «En termes simples, ils mentent. Et les résultats seront catastrophiques.»

Malgré ces paroles sévères de M. Guterres et des coprésidents du rapport, le document complet, qui compte des milliers de pages condensées en un résumé par les gouvernements et les scientifiques, ne blâme pas de pays en particulier.

Les chiffres montrent toutefois qu’une grande partie du gaz carbonique déjà présent dans l’atmosphère a été libérée par les pays riches, qui ont été les premiers à brûler du charbon, du pétrole et du gaz lorsque la révolution industrielle a vraiment commencé, dans les années 1850.

Le comité de l’ONU a calculé qu’environ 40 % des émissions depuis provenaient d’Europe et d’Amérique du Nord. Un peu plus de 12 % peuvent être attribués à l’Asie de l’Est, qui comprend la Chine. Le pays a enlevé aux États-Unis la position de premier émetteur mondial au milieu des années 2000.

Un peu d’espoir

Le rapport n’est cependant pas sans espoir.

Ses auteurs mettent en évidence une myriade de façons de ramener le monde sur la bonne voie des 2°C et même, avec beaucoup d’efforts, de revenir à 1,5° une fois ce seuil franchi. Cela pourrait nécessiter des mesures telles que l’élimination du CO2 de l’atmosphère par des moyens naturels ou artificiels, mais aussi des technologies potentiellement risquées telles que le pompage d’aérosols dans le ciel pour réfléchir la lumière du soleil.

Parmi les solutions recommandées figurent un passage rapide des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, l’électrification des transports, une utilisation plus efficace des ressources et un soutien financier massif aux pays pauvres incapables de payer de telles mesures sans aide.

Un geste souvent décrit par les experts comme un «fruit à portée de main» consisterait à colmater les fuites de méthane des mines, des puits et des décharges qui libèrent ce GES puissant mais de courte durée dans l’atmosphère. Un pacte forgé entre les États-Unis et la Chine lors de la conférence des Nations unies sur le climat de l’année dernière à Glasgow vise exactement cette mesure.

«On peut constater les premiers signes que les actions que les gens entreprennent commencent à faire une différence», a déclaré M. Skea, coprésident du comité d’experts. «Le grand message que nous avons (est que) les activités humaines nous ont mis dans ce problème et que l’action humaine peut en fait nous en sortir à nouveau.»

Les rapports du GIEC sont devenus de plus en plus directs depuis la publication du premier en 1990; le plus récent pourrait être le dernier avant que la planète ne dépasse 1,5°C de réchauffement, a déclaré M. Skea à l’AP.

En août dernier, le GIEC concluait que le changement climatique causé par l’Homme était «un fait établi» et prévenait que certains effets du réchauffement climatique étaient déjà inévitables. Fin février, le comité d’experts a publié un rapport décrivant comment de nouvelles augmentations de température multiplieront les risques d’inondations, de tempêtes, de sécheresse et de vagues de chaleur dans le monde.

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