Dans le cadre des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes, le Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu a reçu Nathalie Provost, survivante du féminicide de l’École polytechnique de Montréal en 1989. Pendant une heure le 27 novembre, cette femme engagée a partagé son vécu et a interpellé l’audience à écrire aux députés pour se prononcer contre le port des armes à feu de type assaut.
Née dans un milieu rural, Nathalie Provost a grandi dans une famille mobilisée et engagée. Sa mère, membre, du Cercle des fermières, et son père, qui travaillait à l’école, assistaient à de nombreuses assemblées communautaires.
«Quand j’étais petite, mes parents étaient très politisés. Je crois même avoir été là lors de la fondation du Parti québécois. J’ai grandi entourée des gens et je n’avais pas peur d’être devant la scène. En 1989, j’étais à la dernière année de l’université. Pour moi, tout était possible, car la société avançait à pas de géants. J’achevais mon baccalauréat et je me sentais chez moi à la Polytechnique », raconte Mme Provost.
Les événements
Elle affirme se rappeler très bien cette journée où elle et ses camarades de classe étaient en train de présenter les projets. Soudainement, vers 17h, Marc Lépine rentre dans la salle et lance un tir dans les airs. Il demande aux hommes de se mettre d’un côté de la classe et de partir. Ensuite, il déclare devant la salle qu’il pose une geste contre les féministes. « Tout s’est passé très vite. Il a vidé son chargeur en quelques secondes sur les neuf femmes qui restaient dans la classe. J’ai reçu trois balles et le casque d’une dernière. J’ai perdu conscience. C’était le chaos autour de moi», lance-t-elle attristée.
Deux jours après les événements, Mme Provost s’est réveillée à l’hôpital. Quand elle ouvre la télévision, elle voit une autre survivante, Heidi Rathjen à l’émission de Bernard Derome. Cette journée, on lui demande si elle veut parler publiquement. «Ma vie a changé une deuxième fois, ce 8 décembre. Depuis mon lit d’hôpital, j’ai parlé à la population pour leur dire trois choses : ce n’est pas la faute des hommes, on va reconstruire notre école et j’ai invité les femmes à revenir étudier à la Polytechnique. Cette journée-là, je suis devenue une figure publique et j’ai lancé un message fort aux femmes. J’ai croisé des femmes qui m’ont avoué avoir étudié en génie, car ma déclaration les a touchés au plus profond», mentionne-t-elle.
Mme Provost raconte que pendant les années qui ont suivi l’attentat, elle a dû prendre du temps pour se reconstruire. Comme si une bombe était tombée sur la carte de sa vie et qu’elle devait ramasser les débris pour rebâtir ce qu’elle connaissait. Elle a offert des entrevues les années suivant l’attentat, mais après quatre ans elle a décidé de disparaître de la scène publique. «Quand on vit des situations difficiles, il faut accepter de prendre le temps de s’en remettre. J’avais besoin d’un hiver ou d’un temps neutre», avoue-t-elle.
Sa lutte
Nathalie Provost est revenue sur la scène publique vingt ans plus tard, en 2009, quand Bernard Derome lui a proposé une longue entrevue dans son reportage Les années Derome. Cette même année, Heidi Rathjen, une survivante de la Polytechnique l’appelle pour lui proposer de revenir dans la lutte contre le port des armes de type assaut.
« À ce moment, Stephen Harper était au pouvoir et un député avait passé un projet de loi voulant abolir le registre des armes à l’épaule. On a décidé de reprendre le combat en créant Poly se souvient, le collectif citoyen le plus influent au Canada», lance-t-elle.
Ces dernières années, Mme Provost continue d’être à la tête du groupe Poly se souvient. Elle invite toutes les personnes à écrire aux députés pour leur demander leur vote pour protéger leur droit à la sécurité. « On est rendu là parce que d’autres stratégies ont été détruites. On se bat pour le droit à la sécurité qui est fondamental. Ce n’est pas une exigence, mais un droit. On se bat contre des gens qui veulent prendre un privilège. Posséder des armes à feu est un privilège. Retirer ce privilège à certaines personnes pour avoir plus de sécurité au Canada, c’est ça le cœur de l’affaire. Je vous invite à écrire à vos députés», conclut-elle.