Une superbactérie, qui peut être mortelle, se répand dans les centres hospitaliers de la province, et l’Hôpital du Haut-Richelieu n’y fait pas exception. Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Centre ne rapporte aucun cas d’infection à la bactérie BGNPC (bacilles Gram négatif producteurs de carbapénémases). Il y a toutefois une éclosion en cours puisqu’il y a deux cas de colonisation de cette bactérie, c’est-à-dire que deux personnes en sont porteuses sans toutefois avoir développé de symptômes ni infecté d’autres patients.
Une éclosion de BGNPC est déclarée lorsqu’on recense deux cas ou plus de colonisation (ou d’infection) en même temps. « On a eu une éclosion de cas colonisés, c’est-à-dire des gens qui n’étaient pas malades de cette bactérie, mais dont on a retrouvé la bactérie dans leurs selles ; des cas de porteurs », explique la Dre Amélie Thuot, microbiologiste au CISSS de la Montérégie-Centre.
Identifiée à la fin du mois de décembre, cette éclosion est la première de ce genre à l’Hôpital du Haut-Richelieu. Des patients porteurs de cette bactérie avaient déjà séjourné à l’hôpital dans les dernières années, sans mener à des éclosions. Ces deux cas de patients colonisés étaient les premiers de l’année 2024. En 2023, aucun cas de colonisation n’avait été rapporté dans le Haut-Richelieu. Depuis la découverte de la bactérie BGNPC, au début des années 2000, aucune infection n’a eu lieu à l’Hôpital du Haut-Richelieu.
La bactérie
La bactérie bacilles Gram négatif (BGN) est naturellement présente dans le système digestif. Chez une personne ayant un système immunitaire affaibli ou de graves problèmes médicaux, elles peuvent toutefois causer des infections graves.
La transmission se fait dans les établissements de la santé lors d’un séjour de courte ou de longue durée, selon le gouvernement du Canada. Le CHU de Québec précise que la bactérie se transmet de différentes façons : par les mains du personnel soignant, par le matériel de soins contaminé, ou encore par le contact avec les robinets.
Certaines de ces bactéries BGN ont, avec le temps, développé une résistance aux antibiotiques : on parle alors de BGNPC. Lors d’une infection de BGNPC, il est encore plus difficile de résoudre l’infection, puisque la bactérie est résistante aux antibiotiques plus généraux. Dans un dossier paru le 28 décembre dernier, La Presse rapportait que 1259 personnes avaient été colonisées par la bactérie BGNPC en 20232024 au Québec. De ce nombre, 99 personnes ont été infectées ; treize de ces personnes en sont décédées.
Prévention
Compte tenu de l’inefficacité des antibiotiques contre la bactérie BGNPC, il vaut mieux prévenir que guérir. Depuis 2018, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) impose un protocole aux hôpitaux en cas de détection de porteurs de BGNPC et en cas d’infection.
Le dépistage est le mot d’ordre. Les patients à risque, qui ont été hospitalisés plus de 24 h à l’extérieur du Québec dans la dernière année ou qui ont séjourné plus de 24 h dans un établissement québécois où se trouve une infection active par exemple, sont dépistés à leur arrivée à l’hôpital. Si un cas est détecté, les patients de l’unité où séjourne le porteur doivent à leur tour être dépistés.
Puisque la bactérie se transmet par le contact, « la désinfection d’environnement est importante et le respect des mesures d’hygiène aussi, comme de bien se laver les mains », rappelle la Dre Thuot.
Résistance aux antibiotiques
Bien que la situation ne soit pas encore grave à Saint-Jean, la microbiologiste soutient que « l’incidence augmente tranquillement », ici comme ailleurs. La bactérie BGNPC a été identifiée dans les deux tiers des centres hospitaliers du Québec en 2024.
« Ce sont des bactéries qui sont devenues résistantes à la classe qu’on appelle des carbapénèmes, donc qui ont développé des mutations qui leur ont donné des gènes de résistance aux carbapénèmes, qui sont des antibiotiques très larges, explique la Dre Thuot. On (les) utilise quand il y a des infections sévères. »
Depuis l’invention des antibiotiques avec la pénicilline, il y a environ 100 ans, on observe chez les bactéries des mutations en réponse au médicament. « C’est un peu une escalade : on donne un antibiotique, les bactéries mutent, et cette bactérie-là devient résistante [à l’antibiotique]. Le temps que [la mutation} se dissémine mondialement, ce qui prend quelques années, l’industrie pharmaceutique développe une autre sorte d’antibiotique, et ainsi de suite », illustre la Dre Amélie Thuot.
Or, la classe des carbapénèmes devait être le « gros canon » du monde médical, selon la microbiologiste. Plus fort que bien d’autres antibiotiques, on comptait sur son efficacité à long terme. « On n’a plus tant d’autres sortes d’antibiotiques », s’inquiète-t-elle.