L’ancienne église Saint-Gérard- Majella, actuellement visée par une nouvelle demande de démolition, ne pourra jamais être classée au répertoire culturel du Québec. Étudiée par le ministère de la Culture en 2016, la demande de classement a été rejetée à cause du retrait du mobilier intérieur et de l’état de dégradation avancé du bâtiment.
En novembre 2015, l’ancienne église Saint-Gérard-Majella est vendue aux promoteurs de Construction Réjean Roy & fils pour une somme de 800 000$. La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu dépose alors une demande de classement pour le bâtiment auprès du ministère de la Culture.
Une analyse en avait découlé pour définir la valeur patrimoniale du bâtiment : une étude dont la réponse négative est finalement tombée à l’été 2018 après une relance de la Ville de Saint-Jean auprès du ministère en 2017.
« Le lieu de culte n’a pas été classé notamment parce que son authenticité et son intérêt artistique avaient été affectés par le retrait des œuvres d’art et du mobilier », précise l’équipe des relations médias du ministère de la Culture et des Communications au journal, dans un courriel. En outre, l’état de dégradation avancé du bâtiment et les travaux majeurs nécessaires à sa restauration compromettraient son authenticité, selon le ministère.
Vente
La paroisse a procédé à une vente du mobilier en décembre 2015, invitant les fidèles de l’ancienne église à acquérir les bancs, médailles, photographies, portraits et autres objets qui meublaient le lieu de culte.
Wayne Chamney, président de l’Assemblée de fabrique à la Paroisse Saint-Jean-l’Evangéliste, explique que chaque église vendue doit être désacralisée au préalable. Un processus qui implique l’intervention d’un expert en art ecclésiastique, qui définira ce qu’il faudra en retirer avant la vente.
« Bien souvent, c’est le diocèse qui décide qu’on peut retirer du mobilier qui n’est pas considéré comme sacré. Donc, généralement, les bancs d’église sont vendus à des fidèles qui veulent conserver un souvenir », témoigne M. Chamney en entrevue avec Le Canada Français.
La paroisse a ainsi récolté 2300$ par la vente tenue en décembre 2015 durant laquelle une vingtaine de bancs ont été vendus sur les 80 présents dans l’église. À l’époque, ce sont environ 250 personnes qui étaient venues dans l’idée d’acquérir un bibelot ou du mobilier en souvenir de leur lieu de culte, fermé en 2014.
Œuvres d’art
Les objets religieux, à l’instar de la vaisselle sacrée, ont quant à eux été récupérés par le diocèse Saint-Jean-Longueuil. L’ancienne église Saint-Gérard-Majella accueillait également deux œuvres d’art sacré qui ont depuis quitté les lieux.
La vierge aux sept oiseaux, un vitrail porté par deux piliers de béton qui était exposé à côté de l’autel, constitue une autre œuvre de l’artiste Jean-Paul Mousseau (réalisée par Gabriel Loire). Elle représentait les sept dons du Saint-Esprit.
Le chemin de croix de béton coulé a lui aussi été déménagé par la paroisse. Louis-Charles Fontaine, président de l’Assemblée de fabrique au moment de la vente du bâtiment, précise au journal que l’œuvre a rejoint l’église Saint-Thomas-d’Aquin, à Saint-Lambert.
Enfin, l’énorme crucifix réalisé par le sculpteur Bernard Monna demeure sur place. Tenu par des câbles d’acier, il est toujours suspendu au sein du bâtiment désaffecté. Wayne Chamney explique que la paroisse n’a présentement pas d’église qui pourrait le récupérer ni les moyens de le descendre au sol étant donné sa taille et son poids.
Démolition
L’ancienne église Saint-Gérard-Majella ne pourra donc plus jamais être classée au répertoire culturel du Québec, compte tenu de son état et de son dépouillement. L’avenir du crucifix et du mur-vitrail endommagé de Jean-Paul Mousseau reste inconnu. En novembre dernier, Réjean Roy mentionnait au journal ne pas souhaiter les garder.
Si des citoyens ont reproché au promoteur d’être le responsable de l’état de dégradation avancé de l’église lors d’une récente séance de consultation publique au sujet de sa reconversion, M. Chamney rappelle que le bâtiment souffrait déjà de cette détérioration avant sa vente.
« Oui, c’est une œuvre architecturale impressionnante, mais à l’intérieur, c’était mal construit, il n’y avait pas d’isolation. Ça coûtait une fortune de chauffer en hiver, on avait constamment des fuites d’eau au sous-sol », commente M. Chamney, qui précise que le clocher menaçait déjà de s’effondrer.
L’œuvre d’art de Jean-Paul Mousseau, qui devait laisser entrer la chaleur du soleil dans l’église, a aussi été installée du mauvais côté. « L’architecte avait pourtant suggéré le côté sud, mais un des prêtres à l’époque voulait que le presbytère y soit. Et ça, c’était une mauvaise décision », ajoute Wayne Chamney.