Les nouvelles mesures touchant les travailleurs étrangers temporaires (TET) inquiètent le milieu économique du Haut-Richelieu, qui estime que la région devrait en être exclue. Pour nombre d’entreprises johannaises, le drame réside surtout dans la réalité directement vécue par les travailleurs, qui craignent de retourner dans leur pays d’origine. C’est notamment le cas de Luis Gomez, Alex Cortez et Velter Colay qui travaillent chez Soleno.
« L’inquiétude qui touche le milieu est majeure, non seulement pour notre économie, mais surtout pour le côté humain, pour toutes ces personnes immigrantes qui se sont installées sur notre territoire et qui contribuent à la prospérité de la région », témoigne Lyne Laplante, directrice générale du service d’accompagnement des nouveaux arrivants L’ANCRE, en entrevue avec le journal.
Face aux nouvelles mesures les concernant, les TET sont contraints non seulement de laisser derrière eux ce qu’ils ont difficilement construit ici, mais aussi de repartir à zéro dans un pays qu’ils ont renié. La procédure, dans les deux sens, implique par ailleurs de nombreux frais que beaucoup n’ont pas.
Une immigration essentielle
L’entreprise Soleno se dit ébranlée par la nouvelle et déplore de devoir se séparer d’employés dévoués qu’elle a expressément fait venir de l’étranger. Une dizaine de ses journaliers d’usine, tous des TET, devront quitter la compagnie et le sol québécois dès janvier 2025.
La société met pourtant tout en place pour les accueillir depuis 2019 : elle s’est par exemple rendue propriétaire de trois maisons et d’un appartement pour loger ses TET dans les meilleures conditions. « On espère de tout cœur qu’on pourra les garder », témoigne Julie Davies, directrice des ressources humaines de Soleno, qui explique que les TET représentent 10% de leurs effectifs.
Les TET travailleraient en moyenne 21% plus que les employés québécois. L’entreprise voit aussi un taux de roulement plus accru chez les locaux. Depuis 2020, Soleno a embauché 53 Québécois. De ce nombre, 13 sont encore en poste.
Double drame
Alex Cortez, Velter Colay et Luis Gomez sont des journaliers d’usine d’origine guatémaltèque, directement employés depuis l’étranger par Soleno en 2022. Leurs permis arrivent à terme au début 2025 et ne pourront pas être renouvelés.
L’inquiétude et la frustration sont palpables pour ces trois employés, qui sont tous venus travailler au Canada pour offrir une meilleure qualité de vie à leur famille, parfois au détriment de leur propre bien-être. Velter Colay, 27 ans, est par exemple devenu papa deux mois avant son départ. Il n’a pas vu son fils depuis son arrivée au Québec.
Luis Gomez, 24 ans, ne cache pas son angoisse pour la suite. « Je suis ici pour avoir de meilleures opportunités de travail et pour aider ma famille, dont je suis le pilier [financier]. Je ne sais pas comment je vais faire pour continuer à les aider à vivre, une fois rentré au Guatemala », confie-t-il au journal.
Rêves brisés
Alex Cortez doit lui aussi laisser ses rêves de côté face aux nouvelles mesures. Immigrer au Canada lui a permis d’embrasser de nouvelles ambitions comme construire sa maison, détenir un capital, être indépendant… Des rêves soudainement partis en fumée à cause d’un départ précipité.
Le retour au Guatemala inquiète grandement ces trois individus qui déplorent de devoir retourner dans un pays où l’emploi reste très compétitif sans offrir le même salaire ni les mêmes conditions que leur poste actuel au Canada.
Deux ans après avoir immigré, ils commençaient à peine à s’intégrer réellement à la société. L’un d’entre eux a récemment acquis une voiture et un abri à neige pour l’hiver, signes d’une réussite locale et d’une réalité soudainement québécoise.
La région en action
Les partenaires économiques de la région sont à la tâche pour convaincre les gouvernements d’exclure la région des nouvelles mesures. L’argument premier réside dans le taux de chômage de la région, qui n’a jamais égalé ni dépassé les 6%.
Ayant basculé en pénurie de main-d’œuvre en 2022, la Montérégie compte d’autant plus sur cette immigration. Pour l’heure, L’ANCRE explique travailler à organiser des journées de speed-jobing afin de pourvoir les postes vacants en embauchant les résidents permanents et les demandeurs d’asile détenant un permis de travail valide et ouvert.
L’entreprise Soleno organisait elle-même une Journée Carrière la semaine dernière. Quelque 60 entretiens d’embauche ont été réalisés durant cette journée, et près de 70% des candidats détenaient un permis de travail ouvert.