Les demandes d’asile ont doublé au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle

Maura Forrest
La Presse Canadienne

Les demandes d’asile ont doublé au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle
Les demandes d'asile ont doublé au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle en avril, l'administration Trump cherchant à priver des centaines de milliers de migrants de leurs protections juridiques. Un agent de la Gendarmerie royale du Canada surveille la frontière entre le Québec et l'État de New York à Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec, le mercredi 15 janvier 2025. (Photo : (Photo La Presse Canadienne/Christinne Muschi))

Les demandes d’asile ont doublé au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle en avril, l’administration Trump cherchant à priver des centaines de milliers de migrants de leurs protections juridiques.

L’Agence des services frontaliers du Canada indique que 2733 demandes d’asile ont été déposées en avril au poste frontalier de Montérégie, contre 1356 en mars et 755 en février.

Il s’agit d’une multiplication par quatre par rapport à la même période l’an dernier, lors de laquelle 670 demandes d’asile avaient été déposées au poste frontalier. Ces chiffres vont à l’encontre de la tendance des demandes d’asile au Canada, qui ont considérablement diminué depuis l’an dernier.

« Pour remédier à cette situation, des ressources supplémentaires ont été mises en place afin d’assurer une gestion sécuritaire des frontières », a déclaré Guillaume Bérubé, porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada, dans un courriel. Il a mentionné que l’Agence travaillait à la location d’un nouvel espace au poste frontalier pour servir de centre de traitement.

Cette augmentation constante au poste frontière coïncide avec la tentative du président américain Donald Trump de révoquer le statut de protection temporaire de 600 000 Vénézuéliens et 500 000 Haïtiens vivant aux États-Unis, mise au jour pour la première fois en février.

Ce statut permet aux personnes déjà présentes aux États-Unis de vivre et de travailler légalement, car leur pays d’origine est jugé trop dangereux pour y retourner en raison d’une catastrophe naturelle ou de troubles civils. Son retrait pourrait entraîner leur expulsion.

Bien loin de l’afflux massif de « discours alarmistes »

Abdulla Daoud, directeur général du Centre de réfugiés de Montréal, a déclaré que de nombreux demandeurs d’asile arrivant à Saint-Bernard-de-Lacolle proviennent d’Haïti, du Venezuela et de Colombie.

Il a néanmoins souligné que l’augmentation observée à ce jour est bien loin de l' »afflux massif d’immigrants » dont le premier ministre du Québec, François Legault, avait mis en garde après la réélection de Donald Trump en novembre. À l’époque, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, avait déclaré que des millions de personnes pourraient envisager de s’installer au Canada.

« Il existe un discours alarmiste entourant le nombre d’entrées au Canada, a soutenu M. Daoud. Trump menace le Canada de multiples façons, et celle-ci n’en fait pas partie. »

Malgré l’augmentation au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, le nombre total de demandes d’asile au Canada a diminué cette année. L’agence frontalière affirme avoir traité environ 12 500 demandes d’asile au Canada jusqu’à présent en 2025, contre environ 25 500 à la même période l’an dernier, soit une baisse de près de 50 %. Au Québec, 8165 demandes ont été déposées cette année, contre un peu plus de 14 000 à la même date en 2024.

L’agence indique que ces chiffres incluent les réfugiés potentiels jugés inadmissibles à l’asile au Canada, ce qui est le cas de nombreux immigrants qui tentent d’entrer au pays depuis les États-Unis.

En vertu de l’Entente Canada-États-Unis sur les tiers pays sûrs, les personnes doivent demander l’asile dans le premier pays où elles arrivent, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas quitter les États-Unis pour demander le statut de réfugié au Canada. Certaines personnes bénéficient d’exceptions à l’Entente, notamment celles qui ont un membre de leur famille au Canada, et doivent prouver leur admissibilité lors d’une entrevue avec les agents frontaliers.

L’agence frontalière indique avoir renvoyé 1439 demandeurs d’asile aux États-Unis jusqu’à présent cette année, car ils n’étaient pas admissibles en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

M. Daoud a expliqué que la situation actuelle est très différente de celle d’il y a quelques années, lorsqu’un flux constant de demandeurs d’asile entrait au Canada par un poste frontalier non officiel le long du chemin Roxham, profitant d’une faille dans l’Entente sur les tiers pays sûrs. À l’époque, a-t-il noté, bon nombre de ces réfugiés potentiels étaient récemment arrivés aux États-Unis et utilisaient ce point de transit pour se rendre au Canada.

Mais cette faille a été comblée en 2023, ce qui a entraîné la fermeture du chemin Roxham et a rendu un afflux de demandeurs d’asile beaucoup moins probable, selon le directeur général du Centre de réfugiés de Montréal. Il a ajouté que les personnes risquant de perdre leur statut de protection temporaire aux États-Unis ont d’autres options, notamment demander l’asile dans ce pays, et ne considèrent pas nécessairement le Canada comme leur seul recours. Nombre d’entre elles vivent aux États-Unis depuis des années, a-t-il ajouté.

« De nombreux groupes se battent pour que ces personnes aient le droit d’y rester, car c’est chez eux. Le profil des personnes n’est donc pas le même, a-t-il soutenu. On ne verra donc pas cette augmentation spectaculaire. »

De nombreuses personnes se présentant au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle choisissent de venir au Canada parce qu’elles ont de la famille ici, a précisé M. Daoud.

La décision de l’administration Trump de retirer le statut de protection temporaire a déjà rencontré des résistances. En mars, un juge fédéral de San Francisco a ordonné la suspension du projet de retirer les protections juridiques à 350 000 Vénézuéliens en avril. Le magistrat a estimé que l’expiration de leur statut de protection menaçait de perturber gravement la vie de centaines de milliers de personnes et pourrait coûter des milliards de dollars en pertes d’activité économique.

La semaine dernière, le ministère de la Justice a demandé à la Cour suprême des États-Unis de lever cette ordonnance.

L’agence frontalière canadienne affirme également avoir augmenté le nombre de renvois de personnes interdites de territoire au Canada. Elle indique avoir renvoyé plus de 16 000 personnes au cours de l’exercice 2023-2024, contre 7500 en 2021-2022.

— Avec des informations de l’Associated Press

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