Le prolongement du REM vers Saint-Jean aurait coûté 1,2 G$

David Fillion dfillion@canadafrancais.com

Le prolongement du REM vers Saint-Jean aurait coûté 1,2 G$
L'investissement comprend notamment les coûts de construction du prolongement et de raccordement au réseau du REM et le coût pour l'achat des trains. (Photo : (Photo Le Canada Français - Jessyca Viens Gaboriau))

L’idée de prolonger le REM en empruntant le corridor de l’autoroute 10 jusqu’à la jonction avec l’autoroute 35 est un projet dont les coûts de réalisation, évalués en 2020, sont estimés à 1,2 milliard de dollars. Le montant élevé que représente cet investissement, les temps de parcours non compétitifs des trajets analysés et le faible achalandage additionnel anticipé sont les principaux enjeux qui font en sorte que le projet a été mis de côté.

Dans des documents que Le Canada Français a obtenus à la suite d’une demande d’accès à l’information, CDPQ Infra souligne que le prolongement du REM vers la jonction A-10/A-35 est une option qui n’est pas économiquement viable, notamment en raison des coûts de 1,2 G$ pour mener à bien le projet.

« Le système étudié dans le cadre du mandat confié par le gouvernement ne rencontre pas les objectifs de transport fixés par le gouvernement du Québec en termes de transfert modal, de temps de trajet absolu, d’achalandage et de complémentarité des réseaux. Le système étudié amènera de la pression pour le développement résidentiel et commercial dans une zone essentiellement agricole, ce fait rendra l’acceptabilité sociale du projet difficile. Finalement, le système étudié qui nécessitera des investissements majeurs sur 10 km de tracé captera peu de nouveaux usagers, ce fait compromettra la viabilité économique et globale du projet », écrit CDPQ Infra dans son rapport d’évaluation.

L’investissement estimé à 1,2 milliard de dollars comprend notamment les coûts de construction du prolongement et de raccordement au réseau du REM, les coûts reliés à l’ajout de systèmes électroniques pour le fonctionnement automatisé du réseau, le coût des trains qui doivent être ajoutés, ainsi que les coûts nécessaires à la société responsable (CDPQ Infra) pour élaborer et développer le projet.

Le prolongement du REM a aussi été étudié en fonction d’un tracé qui débutait à la station Du Quartier pour passer vers Saint-Hubert, Longueuil, Carignan, Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu (détails sur les tracés à la page suivante). Les études préliminaires obtenues évoquent toutefois que ce tracé aurait été au moins trois fois plus coûteux que celui longeant l’autoroute 10, donc avec une viabilité économique encore plus faible.

Enjeux techniques

Le prolongement du REM jusqu’à Saint-Jean-sur-Richelieu nécessitait plusieurs ajouts sur le réseau. À ce sujet, il est possible de penser qu’une station terminus avec aménagements pour autobus, cyclistes et piétons devait être construite à la jonction de l’A-10/A-35. La station aurait eu un garage pouvant contenir jusqu’à 11 trains. Un stationnement incitatif aurait jouxté le terminus.

L’extension projetée se serait implantée à deux endroits où existent déjà des réseaux routiers avec plusieurs échangeurs, soit le secteur de la jonction de l’A-10/A-35 et celui de la station Du Quartier. Or, la présence d’échangeurs pose un défi particulier.

« La largeur d’emprise au centre de l’autoroute 10 au niveau de la station Du Quartier et de l’échangeur A-10/A-35 étant particulièrement restreinte, les voies devront être réduites et déviées localement afin de dégager l’espace requis pour insérer ce nouveau corridor au centre de l’autoroute », souligne CDPQ Infra dans son rapport d’évaluation.

Entre la station Du Quartier et celle envisagée à l’intersection A-10/A-35, le tracé aurait traversé plusieurs viaducs déjà existants. Les travaux auraient ainsi demandé « la modification de certaines de ces structures afin de dégager l’espace nécessaire à l’insertion du tracé au sol. Étant donné que certains viaducs ne permettent pas ces modifications, la construction de structures aériennes pour passer au-dessus [aurait été] nécessaire », précise le rapport d’évaluation.

Les coûts détaillés des installations et du matériel nécessaire étaient caviardés dans les documents fournis par CDPQ Infra.

Offre peu rentable

Dans les différentes estimations d’achalandage dont Le Canada Français a obtenu copie, les analyses soulignent que rallonger le REM vers Saint-Jean-sur-Richelieu aurait généré peu de nouveaux utilisateurs, donc peu de nouveaux revenus (détails sur l’achalandage à la page suivante).

À ce sujet, l’étude des tracés d’AECOM | SYSTRA indique que plusieurs usagers de la possible extension utilisent déjà le REM, et que « ce prolongement génère peu de nouveaux transferts modaux au niveau de la station terminale A-10/A-35, puisque la circulation est fluide sur l’A-10 ».

Dans son rapport d’évaluation, CDPQ Infra arrive à la conclusion que le prolongement du REM jusqu’à Saint-Jean-sur-Richelieu ne permet pas une amélioration des temps de parcours en transport collectif, puisque « la vitesse moyenne des autobus sur l’A-10 entre les échangeurs A-10/A-30 et A-10/A-35 est suffisamment élevée pour permettre un temps de parcours performant, équivalent au temps de parcours avec l’extension du REM ».

Pour toutes ces raisons, le coût estimé à 1,2 milliard est ainsi considéré comme « un investissement majeur compte tenu des différents enjeux du projet, du temps de parcours non compétitif et de l’achalandage additionnel limité du prolongement », pointe CDPQ Infra.

Dossier clos ?

Le prolongement du REM vers Saint-Jean-sur-Richelieu a été étudié et mis de côté avant que se termine la pandémie, donc avant que n’apparaissent plusieurs changements majeurs dans le Haut-Richelieu et dans le reste du Québec. Malgré ce fait, CDPQ Infra ne prévoit pas revisiter le dossier. L’organisme se colle à la chanson de René et Nathalie Simard et tourne la page.

« Le REM n’a pas de projet de prolongement. Nous nous concentrons sur l’intégration du réseau existant l’automne prochain ainsi que de la branche qui reliera l’aéroport Trudeau en 2027 », explique Francis Labbé, directeur adjoint des relations avec les médias chez CDPQ Infra.

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