Dans le cadre de la levée partielle de son moratoire sur les changements de zonage, la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu a mis en place une nouvelle redevance liée au développement. Imposée aux promoteurs dès le 15 juillet pour leurs futurs projets domiciliaires, cette contribution de 5000$ par nouvelle porte construite sur le territoire crée de l’inquiétude chez des acteurs de la construction.
Le 25 mars, la Ville organisait une rencontre avec une trentaine de promoteurs qui réalisent régulièrement des projets à Saint-Jean-sur-Richelieu, afin de leur exposer sa nouvelle tactique destinée à un fonds pour l’amélioration de ses infrastructures.
« Nous avons le sentiment qu’ils ont compris les enjeux, notamment que le développement ne peut pas être assumé seulement par les payeurs de taxes », témoigne Daniel Dubois, directeur général à la Ville, qui évoque un équilibrage nécessaire des responsabilités financières.
Lèvres liées
Pour certains promoteurs, témoigner publiquement dans le journal local s’est avéré un jeu trop dangereux face à des négociations en cours ou à venir avec la Ville. Plusieurs ont décliné toute demande du Canada Français.
« Faire du développement résidentiel, c’est rendu un sport extrême ! C’est devenu insoutenable. Tu es tout le temps pris [à la gorge] par les fonctionnaires », nous confie une source qui a réclamé l’anonymat. Bien qu’elle comprenne que les objectifs de croissance ne se feront pas sans améliorer les infrastructures, notre source estime que cette nouvelle redevance va, au contraire, ralentir la construction.
En cause : des dossiers qui passeraient par trop de mains sans concertation, mais aussi de nombreuses exigences existantes telles que les règles de lotissement et de densité, la contribution aux fins de parcs (désormais appliquée à l’ensemble du territoire et accompagnée d’une évaluation de la valeur foncière maintenant réalisée par la Ville), les superficies réservées aux bassins de rétention, la politique de l’arbre ou encore l’enfouissement des fils parfois exigé aux promoteurs.
En retour, les promoteurs concertés auraient donc réclamé plus d’agilité, de prévisibilité et d’assouplissement de la part de l’appareil administratif municipal. Philippe du Tremblay, qui fait des affaires à Saint-Jean depuis dix ans, explique par exemple attendre, depuis maintenant quatre ans, l’aboutissement d’un projet déposé avant le moratoire. « J’ai un autre projet dans une ville proche, sans la nommer, pour un 300 unités depuis six mois. […] J’ai déjà tous les feux verts de la Ville », compare-t-il.
Philippe du Tremblay considère Saint-Jean comme une ville « surtaxée », qui aurait simplement délaissé ses investissements nécessaires aux infrastructures par le passé. « Une famille normale, quand elle entre dans une situation financièrement précaire […] elle va se serrer la ceinture. Pourquoi les villes ne le font pas ? » questionne-t-il.
À qui la facture ?
Le promoteur Réjean Roy estime lui que cette contribution risque de s’accompagner d’une compétition « malsaine », qui elle-même ralentira les investissements. « On s’entend que ce qui fait baisser le prix des logements, c’est quand il y a un surplus dans l’offre », rappelle-t-il. M. Roy prévient que les investisseurs vont forcément ajuster leurs prix en conséquence et estime donc que la facture finale reviendra au nouvel arrivant ou au premier acheteur.
Pour Jean-François Tremblay, cette mesure temporaire ne devrait pas effrayer un promoteur bien préparé. « Si ton pro forma ne fonctionne pas avec ce 5000$, c’est un peu ton problème ! » lance-t-il en entrevue avec le journal. « Si on débloque l’offre et la demande, le libre marché va faire son œuvre et on va avoir un balancement naturel », affirme M. Tremblay.
Un mal nécessaire
Dans le milieu de la construction, tout le monde s’accorde néanmoins sur la réalité actuelle de la capacité des infrastructures, une réalité qui dépasse d’ailleurs les limites de Saint-Jean.
Le promoteur Jean-François Tremblay voit cette redevance comme une « participation responsable » à la hauteur de ce que les investisseurs peuvent payer. M. Tremblay souligne que d’autres villes québécoises imposent des contributions semblables, mais que les montants y sont plus élevés.
Pour l’ensemble des promoteurs interrogés, l’exemption de cette redevance, notamment pour les logements sociaux et abordables, reste une excellente nouvelle. Cependant, ils espèrent majoritairement que l’engorgement bureaucratique ne constituera plus un handicap à la densification visée par la Ville.