Le Canada Français : organe politique et outil de développement depuis plus d’un siècle

Le Canada Français : organe politique et outil de développement depuis plus d’un siècle
Le Canada Français, 159 ans d'évolution (Photo : Le Canada Français - Archives)

À travers les années, les lecteurs du Canada Français ont découvert les acteurs de leur milieu tant au niveau des quartiers, de la ville, de la région, du district électoral que de la province voire même du pays.

Aujourd’hui et pour mes trois prochaines chroniques, je veux vous présenter un acteur dont on a peu parlé: le journal Le Canada Français qui est né Le Franco-Canadien le 1er juin 1860. Donc il y a 159 ans ce mois-ci.

Les journaux régionaux, quotidiens ou hebdomadaires, sont les parents pauvres de la recherche en histoire de la presse québécoise. Cependant , un excellent article de Dominique Marquis (Le journal régional, organe politique et outil de développement : l’exemple du Franco-Canadien et du Canada français de Saint-Jean. Mens, 2016, 17(1-2), 79–106)  me permet de vous présenter l’évolution du Canada Français comme un outil qui  a participé activement à l’évolution politique, économique ou sociale de sa région et comme une entité qui a eu une vie propre.

La longévité exemplaire du Canada Français montre que le journal a su tirer son épingle du jeu et offrir à ses lecteurs un produit aussi attrayant que les journaux montréalais, mais distinct par son contenu régional.

Selon Marquis, il serait possible de diviser l’histoire du Canada Français en trois périodes. On pourrait aisément qualifier la première, sous la gouverne des Marchand, père et fils, jusqu’à 1908, de l’ère politique : les enjeux politiques fédéraux, mais surtout provinciaux sont au cœur de la mission et du contenu du journal. Ce dernier propose à ses lecteurs une mise en page modifiée, mais il demeure essentiellement un journal d’opinion politique. Il met en scène sa proposition régionale essentiellement par les annonces publicitaires et quelques nouvelles locales. La deuxième période s’étire jusqu’aux années 1930 ; elle est marquée par l’évolution de la pratique journalistique, le passage d’une presse d’opinion essentiellement politique à une presse d’information. Malgré le fait que les liens du journal avec le Parti libéral soient encore assez solides – du moins jusqu’en 1937 –, on met de plus en plus l’accent sur le développement économique et industriel, on veut vendre le potentiel de la région et souligner à grands traits son dynamisme. On peut croire que, d’une part, on souhaite attirer investisseurs et nouveaux résidents, et, d’autre part, que l’on veut limiter l’attraction que la ville de Montréal exerce sur la population de la région. Une troisième période, qui s’ouvre sur le passage au format tabloïd, montre que le journal, tout en étant sensible à l’évolution du goût des lecteurs, cherche à témoigner de la spécificité socioculturelle de la ville et de son environnement. Il ne peut pas faire la lutte aux grands quotidiens montréalais, mais il a trouvé sa niche et il devient le relais essentiel de la vie régionale.

Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, le développement des réseaux de transport ferroviaire favorise la croissance économique des régions, notamment celles qui sont situées en périphérie de Montréal. Au cours de cette période, la Montérégie est témoin d’une expansion importante : les progrès dans les domaines agricole et industriel contribuent à sa prospérité. Expansion du réseau ferroviaire, croissance industrielle, prospérité agricole, urbanisation : les ingrédients de base sont rassemblés pour assurer la survie d’un journal. Le Courrier de Saint-Hyacinthe, aujourd’hui le plus ancien hebdomadaire francophone en Amérique, est fondé en 1853.

La municipalité de Saint-Jean n’est pas en reste : elle a reçu le statut de ville en 1856 et elle est déjà un carrefour commercial important, maritime par la voie fluviale du Richelieu, qui mène aux États de la Nouvelle-Angleterre, et ferroviaire grâce au premier chemin de fer en sol canadien reliant Saint-Jean à La Prairie et inauguré en 1836. Là aussi, les conditions économiques sont réunies pour soutenir un journal, conditions auxquelles s’ajoutent des enjeux politiques qui soulèvent les passions. Le 1er juin 1860, Le Franco-Canadien est lancé.

En terminant, Dominique Marquis nous rappelle que, partout au Québec, la presse écrite a été un élément important de la promotion culturelle et économique des régions. Elle a connu son âge d’or durant la première moitié du XXe siècle et le mouvement de concentration de la presse, qui s’est intensifié au Québec à partir des années 1970, a nui à l’expression écrite de ces régionalismes.

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