Le bonheur de travailler malgré un handicap

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Par Stéphanie MacFarlane
Le bonheur de travailler malgré un handicap
Yvan Ouellet, copropriétaire d'Actiforme, est accompagné d'Arnaud Lemay. (Photo : Le Canada Français - Jessyca Viens-Gaboriau)

Le recours à l’immigration est souvent mentionné comme solution à la pénurie de main-d’œuvre. Or, les employeurs n’ont pas à aller aussi loin pour recruter. Plusieurs personnes vivant avec une incapacité, qu’elle soit intellectuelle ou physique, ne souhaitent que cela : travailler. Le Canada Français en a rencontré trois en compagnie de leur employeur.

Le sourire de Sabrina Jubinville en dit long sur son expérience. « C’est très gratifiant d’être ici et de travailler avec les résidents. Je sais que je fais quelque chose de bien dans ma journée », raconte la jeune femme de 24 ans, atteinte de dystrophie musculaire. Elle est en stage rémunéré à la résidence le Quartier par Excellence, sur le boulevard Saint-Luc, depuis février dernier, comme commis de bureau.

Or, trouver ce milieu de travail n’a pas été simple, même si elle a pu bénéficier de l’accompagnement du Service d’aide à l’emploi et de placement en entreprises pour personnes handicapées (SDEM SEMO Montérégie) (voir autre texte).

Au terme de son stage, dont la fin est prévue en juillet, elle aimerait être réceptionniste et/ou réaliser du travail de secrétariat. « Je demande de me laisser une chance et d’aller au-delà de mon handicap. J’ai un certificat médical qui dit que je suis apte au travail », poursuit-elle.

Dans son quotidien, la jeune femme est accompagnée de Lori, son chien Mira qui l’aide notamment à ramasser les objets, à ouvrir les portes et à lui enlever son manteau.

Sabrina Jubinville, en compagnie de sa chienne d’assistance Lori, est en stage à la réception de la résidence Le Quartier, située sur le boulevard Saint-Luc.

Intégration

L’arrivée de Sabrina Jubinville dans l’équipe de la résidence Le Quartier n’a nécessité que des ajustements mineurs, dont l’achat d’un casque d’écoute et le repositionnement des pigeonniers.

« Ce sont de petites choses pour lui faciliter la tâche et on a adapté le chien à l’équipe. Il a fallu changer un peu les façons de travailler, mais je suis fière de l’équipe et de son ouverture. Tout le monde est motivé », souligne Gaëlle Belloni, directrice générale de la résidence le Quartier.

Cette dernière n’a que de bons mots pour sa recrue. « C’est une jeune femme dynamique, qui veut travailler et qui a une soif d’apprendre. Les compétences, elle les a. Elle a tout ce qu’un employeur peut espérer », poursuit Mme Belloni, qui a aussi bénéficié du support du SDEM SEMO Montérégie dans le processus d’accueil.

Arnaud

Arnaud Lemay, qui est trisomique, travaille depuis plusieurs mois à l’entretien de la salle d’entraînement chez Actiforme, à raison d’une quinzaine d’heures par semaine.

Travailler permet à Arnaud Lemay d’avoir une meilleure confiance en lui et surtout, de s’approcher de son objectif : s’acheter une maison. « Je veux une vie normale : une amoureuse, une camionnette et travailler », raconte-t-il. Conscient qu’il est trisomique, il veut également montrer qu’il est avant tout un être humain.

Yvan Ouellet, copropriétaire d’Actiforme, a retiré certaines tâches à ses employés, principalement des kinésiologues, pour les confier à Arnaud.

« On peut donner des tâches répétitives et ça ne pose pas de problème. La beauté d’Arnaud, c’est qu’il impressionne par ses capacités. Il sait lire et a une belle calligraphie. Je pourrais lui ajouter des tâches cléricales », poursuit M. Ouellet.

Il souligne qu’il a dû effectuer quelques modifications pour accueillir Arnaud, faisant notamment référence à la description des tâches indiquées sur des pictogrammes de couleur ou à la flexibilité de son horaire de travail.

« Ça demande du temps au début, mais après [il est autonome]. Et pour ce qui est de la qualité du travail, il est sur la coche », enchaîne M. Ouellet.

En tant qu’employeur, cela lui permet de donner une chance à la personne de s’émanciper et de se faire une place dans la communauté.

Francis

Francis Quesnel, qui est préposé à l’équipement au Shop CrossFit, est entouré des propriétaires Philippe Boisclair et Dominique Rondeau.

Le Shop CrossFit peut compter sur la présence de Francis Quesnel depuis l’automne dernier. Le jeune homme, friand de sport, s’occupe de l’entretien des équipements de la salle d’entraînement les lundis et jeudis. « Francis avait de la difficulté à garder ses emplois. C’était difficile de lui trouver un environnement stimulant où il trouverait du plaisir. Il aime ça quand ça bouge et il est sociable », relate Philippe Boisclair, copropriétaire du Shop CrossFit.

Lui et son partenaire d’affaires, Dominique Rondeau, déterminent au quotidien les tâches que Francis Quesnel a à accomplir. Ce dernier a besoin d’un léger encadrement, mais est autonome. « Il est attachant, il est content et il s’applique. Il est très minutieux, souligne M. Rondeau. Dans ses agissements, on voit qu’il aime ça et il nous le dit aussi. »

Francis Quesnel peut également compter sur l’accueil des clients. « On l’a intégré. Les gens le saluent. Le but, c’est qu’il se sente dans l’équipe », conclut Dominique Rondeau.

 

 

Bien du positif à embaucher une personne ayant une incapacité

L’embauche de personnes ayant une incapacité est l’une des solutions pour contrer la rareté de la main-d’œuvre qui se fait sentir dans le Haut-Richelieu. Un organisme en employabilité spécialisé en placement de personnes handicapées remarque d’ailleurs un intérêt accru des employeurs à accueillir des employés ayant une déficience intellectuelle ou un handicap physique.

« On a toujours reçu des appels d’employeurs, mais l’affaire Walmart au printemps 2018 [où le géant américain a congédié ses employés handicapés au Québec] combinée à la pénurie de main-d’œuvre, fait qu’on reçoit de plus en plus d’appels. Avant, les gens ne pensaient pas nécessairement à cette clientèle-là », souligne Christine Larrivée, conseillère aux partenaires au Service d’aide à l’emploi et de placement en entreprises pour personnes handicapées (SDEM SEMO Montérégie).

Or, avoir recours à des personnes handicapées comporte plusieurs avantages, poursuit-elle. « Notre clientèle est fidèle et vient réduire le taux de roulement du personnel en plus d’avoir de belles répercussions sur l’ensemble du personnel. Ça amène aussi les entreprises qui servent des clients à être plus sensibles aux besoins de leur clientèle. »

Et pour le travailleur, les bénéfices sont nombreux. « J’ai la prétention de dire qu’on change des vies. Sortir quelqu’un de l’aide sociale et lui redonner sa dignité, sa fierté, sa confiance en lui, c’est vraiment agréable », enchaîne Mme Larrivée.

Accompagnement

Le SDEM SEMO Montérégie accompagne les employeurs, notamment lors de l’intégration de l’employé dans son milieu de travail. L’organisme peut également proposer des aménagements, souvent peu coûteux et remboursés grâce à des subventions, et même faire de l’entraînement à la tâche afin d’aider le candidat.

Patrice Deneault, conseiller au développement au Club de recherche d’emploi de la Vallée des Forts, ajoute que l’immigration n’est pas une solution à court terme, alors que faire des aménagements pour accueillir un employé ayant une difficulté en est une. « Ça se fait rapidement. Ça ne répond pas à tous les besoins, mais ça vient combler un vide réel. Les employeurs n’ont pas le choix de s’ouvrir à embaucher des personnes avec certaines incapacités », indique M. Deneault.

Il croit également que cette ouverture des employeurs devrait s’élargir aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale. « Environ 30 % des gens ont des problèmes d’anxiété ou ont souffert d’une dépression. Avant, on parlait de 5 à 10 % des personnes. Ça fait partie de la mission et du travail des employeurs que d’aider leurs employés dans l’intégration, mais aussi dans le maintien », expose-t-il.

Statistiques

Selon des estimations de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) effectuées en 2017 à partir de données tirées de l’Enquête canadienne sur l’incapacité menée en 2012 et des données populationnelles de l’Institut de la statistique du Québec, le Haut-Richelieu comptait, en 2012, 5385 personnes de 15 à 64 ans ayant une incapacité.

Toujours d’après les données de l’OPHQ, parmi les Québécois de 15 à 64 ans ayant une incapacité, 40 % d’entre eux occupaient un emploi en 2012, contre 70 % pour les personnes sans incapacité.

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Caroline
Caroline
4 années

Merci de mettre en lumière l’apport de cette magnifique main-d’oeuvre!!!
Il serait aussi très intéressant de mieux connaître les entreprises qui les embauchent, tel le Croûtons grillés afin de pouvoir encourager local et diversité!
En tant que parent d’enfant à défi, un grand MERCI!