Le cochon noir de Bigorre élevé au pied des Pyrénées

Par Raymond Marier

Après les merveilles de Gavarnie et de Pau, les mystères de Lourdes, que peuvent bien encore nous réserver ces belles et accueillantes Pyrénées? Nous nous arrêtons à Lannemezan, petite ville de 6000 habitants.

Ne trouvant pas d’hôtel, nous suivons les indications menant à la gare SNCF où, comme partout en France, se trouve un hôtel de la Gare, disons-le, pas toujours bien tenu. Nous nous y risquons et acceptons la chambre proposée à un prix dérisoire.

Pour le souper, comme Raymond voudrait manger une truite, la préposée à l’accueil nous recommande «le seul restaurant de qualité de la ville». Devinez? C’est le restaurant du club de golf l’Albatros. Pourquoi pas! Ça nous semble sympathique comme appel du pied, notre équipement de golf étant tout fin prêt, à portée de main dans la voiture.

L’Albatros

Après maints virages et détours, nous finissons par trouver le site, magnifique! Le propriétaire maître d’hôtel nous accueille avec gentillesse, élégance et courtoisie. Il n’y a pas de truite au menu, mais quantité de plats régionaux : foie gras, saumon, filet de bœuf, cochon noir, côte de porc et un dessert très local, la tarte au sirop d’érable, très apprécié de sa clientèle. Il montre la jeune fille qui s’en lèche les babines à une table voisine.

Nous prenons le jambon noir en entrée et le filet de bœuf, deux plats tendres et savoureux à souhait. Tout à fait rassasiés, nous sautons le dessert et, sentant l’appel du terrain de golf, nous demandons s’il est possible de réserver pour le lendemain matin. «Malheureusement, c’est le jour du tournoi annuel des membres du club. Un autre jour, peut-être?» – Pas possible, notre voyage tire à sa fin et nous devons reprendre la route.

Avant de partir, nous demandons au proprio s’il est possible d’acheter du cochon noir quelque part. Tout fier, il nous donne l’adresse de son fournisseur, M. Arbéret, dans les Baronnies. Il suggère de nous y présenter le lendemain matin, de sa part.

Stressés

Après une nuit dans un lit peu confortable dont la base s’est effondrée sans raison au petit matin, nous nous présentons à la réception pour régler la note. Un peu stressés, craignant d’être accusés d’avoir brisé le lit et de nous voir réclamer un supplément, nous abordons timidement la question. Tout de suite la dame s’excuse; elle croyait que la réparation avait été faite; c’était la faute des jeunes qui avaient couché là le jour précédent. On aurait peut-être dû demander une compensation, mais on n’a pas osé.

Sur la route des Baronnies, d’un lacet à l’autre, d’une colline à l’autre vers Bonnemazon, nous nous extasions devant la riche verdure de ce coin de pays bien irrigué. Pour arriver chez les Arbéret, nous suivons les panneaux fléchés montrant un mignon petit cochon.

Au premier coup de sonnette, Monsieur nous ouvre la porte de sa cave, entrepôt, dépôt, magasin. Il nous explique qu’en 1981, la race du porc noir de Bigorre était en voie d’extinction. Avec 58 autres éleveurs, il décida de relever le défi et d’en faire une production d’exception.

Élevé en plein air pendant au moins six mois, le cochon noir vit dans les sous-bois, court dans les prés et développe ses muscles. Il se nourrit de seigle, d’orge, d’herbe, de glands et de châtaignes qui permettent la formation du gras, essentiel pour atteindre la qualité visée. Jamais de maïs! Au moment de l’abattage, entre douze et quatorze mois, les porcs pèsent environ 160 kilos.

Les animaux bénéficient du temps qui convient à leur cycle naturel: douze mois minimum pour obtenir le goût du porc noir de Bigorre. Dans cette région au climat idéal pour cette production, on ne trouve que de petits élevages respectant la tradition et l’écosystème.

Produits de qualité

M. Arbéret offre des viandes en salaison, du jambon, des saucisses, des pâtés, du boudin, des conserves de civet et de saucisses, de la soupe garbure et des viandes fraîches. Impressionnés, nous faisons provision d’un peu de tout ce qui se conserve assez longtemps.

Il propose ensuite le clou parmi tous ses produits: la fesse, le jambon noir. Vingt mois sont requis pour compléter les opérations de salaison, de séchage et d’affinage. Le prix ? Près de 50$ le kilo, auquel il faut ajouter 1,30 $ le kilo pour chaque mois d’affinage supplémentaire. Donc 300 $ pour une fesse de six kilos. Nous nous sommes contentés de goûter – un pur délice ! –  et d’acheter quatre tranches très très fines pour faire bonne figure.

Finalement, M. Arbéret nous fait visiter une partie de son élevage, un peu plus bas sur la colline. Nous rencontrons sa femme qui nettoie la cour de la maternité. Les femelles ont deux portées par année, huit à dix petits par portée. Les porcelets sont sevrés à six semaines; ils pèsent huit kilos. On met la mère au repos pendant une semaine avant de l’accoupler de nouveau. Pendant qu’ils sont gardés dans les bâtiments, les mères et les petits sont installés sur de la paille et ont accès à l’extérieur.

En partant, nous avons droit à un petit sac-cadeau accompagné, il va sans dire, de la liste des produits, avec les prix, livraison comprise, même au Québec. Comment ne pas souhaiter que ces producteurs poursuivent leur mission salvatrice d’un type d’élevage traditionnel, à but lucratif tout de même, pour le plus grand plaisir des amateurs de cochonnailles d’exception.

Porc noir de Bigorre

• Jambon noir épais et rond

• Cuisson de la viande fraîche: Saisir et servir rosée.

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