Choisir entre l’histoire et l’esthétisme

Par Mario Wilson
Choisir entre l’histoire et l’esthétisme
Malheureusement

Allons directement au vif du sujet, c’est l’esthétisme qui est sorti vainqueur. L’idée semble avoir porté fruit de vendre une pièce de verre carnaval pour acquérir une céramique de Jean Cartier.

Au salon des antiquités du Marché Bonsecours, un antiquaire de Lac-Brome présentait, à d’éventuels acheteurs, une pièce hautement importante dans le fil de l’histoire de la céramique québécoise, un immense cache-pot signé par Jean Cartier et daté de 1956. Comme nous savons qu’il a remporté le prestigieux prix du concours des arts décoratifs du Québec en 1955 et que ses rencontres avec de grands artistes comme Jean Besnard et Ary Bitter à Paris se sont produites à cette époque, il n’y a pas de doute quant à l’importance dans l’œuvre de Jean Cartier d’une immense pièce produite pendant ces années de sa carrière.

Mais à l’arrivée chez le sympathique antiquaire une surprise attendait l’amateur de l’œuvre de Jean Cartier. Confiant de son pouvoir d’achat avec la somme amassée grâce à la vente d’un magnifique bol de verre dit «carnaval» du début du siècle dernier, le cache-pot tant admiré au Marché Bonsecours trouverait preneur sans discussion. Mais cette très grande assiette décorative de près de 60 centimètres, accrochée derrière la vitrine, a tôt fait d’attirer l’attention de l’amateur.

Malheureusement, la photo ne traduit absolument pas le bleu de cette pièce ni les contrastes des cinq poissons calés au fond de l’assiette. Cette pièce unique est tout simplement merveilleuse.

Elle traduit admirablement bien tout le talent et l’audace de l’artiste. Bien qu’elle ne soit pas datée, on devine qu’il ne s’agit pas ici d’une production de début de carrière ni d’une assiette rapidement exécutée pour un besoin monétaire de fin de semaine…

Une si grande céramique demande une maîtrise de la matière et de l’art de la cuisson pour sortir intacte de l’immense four où elle fut cuite autrefois. Je me souviens d’avoir pu examiner une pièce aussi pure lors d’un encan à Montréal où l’art vietnamien de la céramique était à l’honneur.

La petite assiette, loin, très loin d’avoir l’envergure de cette grande assiette de Jean Cartier, m’avait fort impressionné par son équilibre et la pureté de son exécution; la seule différence étant que l’assiette vietnamienne ne mesurait que neuf centimètres de diamètre.

Les grands céramistes québécois comme Jacques Garnier, Jean-Jacques Spénard, Claude Vermette, Géraldine Bourbeau ou Jean Cartier, sont désormais reconnus par tous ceux qui s’intéressent à cet art du feu québécois. Les membres de l’Association des collectionneurs de céramique du Québec fouillent dorénavant les archives, sources d’informations familiales et même documents historiques collatéraux afin d’en connaître toujours davantage au sujet de leur vie, leur œuvre et leur influence sur l’art quel qu’il soit. C’est probablement la raison principale de cet engouement enflammé qui permet une si nette progression de la valeur marchande des céramiques québécoises.

Contrairement à la production des céramistes anglais de la firme Moorcroft ou du verre Carnaval américain, les prix chez les revendeurs continuent de croître; c’est notre façon de dire à ces artistes disparus qu’on ne les oublie pas!

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